Titre : Dépendance Valérie Charlot (vavie) Email : valeriec@free.fr Pas URL Résumé : Mulder, après plusieurs épisodes traumatisants, fait une tentative de suicide. Sauvé in extrémis par Scully et Skinner, il préfère faire un break et quitter Washington. Incapable de réagir, il commet à nouveau l’ irréparable. Mais Scully veille et le délivre de ses démons. Spoilers : paperheart, The Pine Bluff... Genre : Romancé. Avertissement : les personnages crées par Chris Carter sont son entière propriété. Bonne lecture à tous. Depuis combien de temps était-il là ? Il avait perdu toute notion du temps. La lucarne ne diffusait que peu de lumière à travers les vitres sales. Son corps était engourdi par le froid intense qui régnait dans l'entrepôt et le moindre mouvement déclenchait des douleurs violentes. Il passa sa langue sur ses lèvres sèches et couvertes de sang. Ils ne lui avaient pas donné à boire depuis des heures. Après l'avoir maltraité à plusieurs reprises, ils avaient fini par le laisser en paix. Il avait perdu connaissance, épuisé par la fatigue et les coups. Il s’étonnait qu’ils ne l’ ait pas encore achever maintenant qu'ils connaissaient son appartenance au FBI.. Il savait trop de choses. Lorsqu'ils l'avaient découvert, Bramas avait ordonné qu'il soit torturé. Ils avaient commencé par lui tordre le 5ème doigt de la main droite, jusqu'à le briser, pour le faire parler. Il avait réussi à ne pas trop en dire. Puis devant sa résistance, ils l'avaient attaché par les poignets à une poutre, et l'avaient tour à tour roué de coups. Lorsqu'il perdait connaissance, ils le réanimaient avec un seau d'eau glacé et des fils électriques branchés à même la peau. Il avait cru mourir, mais finalement, ils l'avaient détaché, à bout de forces, pour le jeter dans cette pièce glacée. Ils ne lui avaient laissé que son jean et il frissonnait. Il rampa jusqu’au mur le plus proche et s’adossa avec difficulté. Il fallait qu'il tente de s'échapper, par tous les moyens. Il rassembla ses forces pour se lever. Son corps meurtri protesta, il se mit à avoir des vertiges, et vomit le peu de nourriture qui lui restait dans l'estomac. Il dut s'y prendre à plusieurs reprises pour se mettre debout. La tête vide, il observa la pièce, cherchant désespérément une issue pour s'enfuir. Le bâtiment était ancien, les murs lui semblaient peu solides. Il trouva près de la lucarne un levier dont il se servit pour arracher quelques lattes du plancher qui vinrent très facilement. Il élargit l'ouverture jusqu'à pouvoir se glisser dedans. Les échardes de bois lui rentrèrent dans la peau. L'entrepôt devait être sur pilotis, car il découvrit de l'eau. Il n'avait aucune idée de l'endroit où il était, mais il n'avait pas le choix. Il se laissa glisser dans l'eau glacée, le souffle coupé par la température. Il se mit à nager aussi vite que son corps épuisé le permettait. Il sentait que ses membres s'engourdissaient. Alors qu'il allait couler, incapable du moindre effort supplémentaire, il découvrit une petite barque. Avec la force du désespoir, il réussit à se hisser dedans. Grelottant, il détacha avec peine les cordes qui la retenait au ponton. Il prit les rames et essaya de s'éloigner du bâtiment. La nuit était noire, il se laissa guider par son instinct. L'effort pour ramer le réchauffa un peu mais ses forces déclinèrent assez vite, et il sentit qu'il perdit connaissance. Il eut juste le temps de ramener les rames à l'intérieur de la barque, puis s'effondra. Le rugissement de l'océan le fit sortir de sa torpeur. Il se sentait ballotté de toutes parts dans la petite barque qui s'était dangereusement remplie d'eau glacée. Affolé, il scruta l'horizon, espérant découvrir la côte. Il lui sembla distinguer un rivage non loin, à travers le rideau de pluie. Dans un effort désespéré, il s'appuya sur les rames, essayant de diriger sa frêle embarcation à travers la tempête. Mais les courants étaient si forts qu'il avait l'impression de ne rien contrôler. La barque se dirigeait dangereusement vers la côte déchiquetée. Une vague plus forte que les autres le précipita sur les rochers. La barque se brisa, et il se retrouva projeté sur les rochers acérés. Il s'agrippa avec l'énergie du désespoir, et réussit à se hisser jusqu'à la plage. Il sentit un liquide chaud couler le long de sa jambe, découvrit à travers les lambeaux de son jean une large blessure. A bout de forces, il se laissa glisser sur le sable froid. Il fallait qu'il se reprenne ou il allait mourir . Pressant ses mains sur sa cuisse pour rapprocher les bords de la blessure, rassemblant ses toutes dernières forces, il se mit à marcher vers l'intérieur de l'île, espérant découvrir une habitation. Il suivit ce qu'il lui semblait être un chemin, et finit par apercevoir une cabane. De la lumière filtrait à travers les vitres. Titubant, ivre de fatigue et de douleur, il se dirigea vers la porte, et frappa à plusieurs reprises puis s'écroula. Alex sursauta en entendant les bruits provenant de la porte de la cabane. La tempête faisait rage et elle était seule sur cette île. Elle prit son fusil, et ouvrit précautionneusement la porte. Elle découvrit avec stupeur le corps inanimé d'un homme, allongé devant le seuil. Il paraissait si mal en point qu'elle n'hésita pas une seconde. Posant le fusil, elle le tira à l'intérieur, et l'installa comme elle put. Elle l'examina attentivement. Son visage était meurtri, ses lèvres étaient fendues et une large coupure barrait son front. Alix ôta délicatement le sang avec un linge humide. Elle entreprit de l’examiner attentivement et découvrit des traces de coup sur son torse. Il gémit doucement . Son poignet droit présentait une angulation qui faisait suspecter une fracture. Il était glacé. Alex prit sa température , elle était descendue à 34°. Il allait mourir de froid si elle ne faisait rien pour le réchauffer. Son pantalon était couvert de sang et lorsqu'elle l'enleva, elle découvrit une large blessure au niveau de sa cuisse gauche. Elle devait le recoudre, ou bien l'hémorragie risquait de l’affaiblir dangereusement. Elle la désinfecta soigneusement et avec une aiguille courte et fine entreprit de resserrer les bords de la plaie béante. Il ne paraissait pas souffrir trop, laissant seulement échapper quelques petits gémissements. L'opération terminée, Alex banda avec soin la cuisse du blessé. Elle fit une atèle à son poignet, puis le massa doucement avec de l'alcool à 90°, afin de le réchauffer. Elle finit par le couvrir avec plusieurs couvertures et s'installa près de lui pour le veiller. Elle le trouvait très beau, malgré la fatigue et la douleur qui avaient tiré ses traits fins et réguliers. Ses paupières étaient ombrées par de larges cernes bleuâtres. Qu'avait-il subi ? Que lui était-il arrivé Elle brûlait d'envie de le savoir. Elle tenta à nouveau de faire fonctionner sa radio, mais en vain. La tempête empêchait toutes liaisons avec le monde. Elle était seule avec cet inconnu, et il avait besoin d'elle. Il y a longtemps qu'elle n'avait pas éprouvé ce genre de sentiment, depuis la mort de Christopher en fait. Les femmes portent cela en elles. Quelques heures plus tard, le blessé s'agita dans son sommeil et délira, prononçant des mots sans suite. Un prénom revenait sans cesse : Samantha. Peut être était-ce sa femme, ou sa petite amie... Sa température si basse auparavant était remontée de façon inquiétante. Il avant maintenant beaucoup de fièvre, presque 40°. Sans doute était-ce la conséquence de son exposition prolongée au vent glacial. Elle essaya de lui faire boire un peu d'eau dans laquelle elle avait dissout un comprimé de Paracétamol. Elle lui souleva délicatement la tête afin qu'il ne s'étouffe pas et la cala avec sa veste. Mais tous ses efforts restaient vains. L'inconnu sombrait peu à peu dans l'inconscience malgré toutes les tentatives d'Alex qui essayait en vain de le maintenir en vie. Alex le veillait sans cesse. Quand elle sentait ses paupières s'alourdir, elle prenait une tasse de café afin de rester éveillée. Elle imaginait ce qui avait bien pu lui arriver. Qui était-il ? Pourquoi se trouvait-il dans cet endroit si perdu et inhabité ? Ces questions brûlaient ses lèvres. L'inconnu s'était maintenant calmé. Il paraissait même presque trop calme aux yeux d'Alex. Elle toucha délicatement le front du blessé avec ses mains glacées et pleines de sang séché. Le comprimé qu'elle lui avait fait prendre n'avait apparemment pas fait son effet. Son front était encore plus chaud qu'avant. Elle était morte de peur. Elle essaya de contacter l'hôpital le plus proche avec sa radio mais en vain. La fièvre du malade persistait, il fallait faire quelque chose. Elle se mit à penser à Christopher, ce petit garçon victime d'un accident de voiture, qu'elle avait essayé de sauver quand elle était médecin. Après l'opération du jeune garçon, il était tombé dans le coma, et elle était restée à son chevet jour et nuit. Malgré les soins intensifs qu'elle lui prodigua, il mourut deux jours plus tard. Elle n'avait jamais pu accepter cet échec et elle avait abandonné sa carrière médicale. Elle se sentait toujours coupable. C'était dans son tempérament. C'est pourquoi elle se devait de sauver cet inconnu. La tempête faisait toujours rage dehors et elle ne pouvait pas sortir pour aller chercher de l'aide. Elle était bloquée. Pourtant, les tempêtes n'étaient pas si fréquentes dans l’île. Par chance, elle trouva dans cet abri qui lui servait habituellement de laboratoire de recherche une mallette de secours. Elle lui fit une injection d'antibiotiques dans le but de faire tomber sa fièvre. Elle même commençait à avoir froid, car elle lui avait installer toutes les couvertures sur lui. La tempête paraissait se calmer. Deux heures plus tard, alors qu'elle se préparait une petite collation rapide, elle sentit se poser sur elle un regard. Elle se retourna et vit que l'homme s'était réveillé. Elle s'approcha de lui. Ses yeux étaient brillants de fièvre, mais elle sentait que la vie renaissait. D'une voix douce, elle le rassura. - Vous êtes en sécurité. Ne craignez rien. - Qu'est ce que je fais ici ? Sa voix était rauque et pratiquement inaudible. - Je vous ai trouvé devant la porte de cette cabane. Vous étiez à moitié mort de froid. Comment êtes vous arrivé jusqu'ici ? - Un bateau... j'ai marché. J'ai vu de la lumière. Après .... je n'ai aucun souvenir. - Vous êtes blessé. Que vous est-il arrivé ? Il ferma les yeux et secoua la tête de droite à gauche. Il n'avait manifestement pas la force de parler de cela maintenant. - Écoutez moi. Sur cette île, nous ne trouverons aucun secours. Elle n'est habitée que par les phoques et les oiseaux de mer. Si vous avez la force de marcher jusqu'à mon bateau, je peux vous emmener jusqu'à l'île la plus proche. J'y habite. C'est à peine 20 minutes. Je pourrais alors vous conduire en ville pour vous faire soigner. On dirait que la tempête se calme. Il faut en profiter. Il la regarda intensément et elle se sentit transpercer par ce regard brûlant. Il acquiesça sans un mot. Elle lui fit enfiler un vieux pull qui avait le mérite d’être sec, et un pantalon de travail. Il se laissait faire sans prononcer une parole, trop exténué pour parler. Le chemin jusqu'à la crique fut difficile, Alex devait l'aider à chaque pas pour l’empêcher de s'écrouler. Il serrait les dents, essayait de retenir ses cris de douleurs. Ils arrivèrent enfin au bateau. Elle l'installa dans la cabine, à l'abri du vent qui soufflait encore très fort. La mer était démontée, mais Alex avait de l'expérience et ils arrivèrent bientôt devant le ponton d'amarrage. Il avait perdu connaissance pendant le trajet et elle dut le secouer pour le réveiller. - Il faut faire vite. Le vent redouble de violence. Il faut nous mettre à l'abri. Venez, faites un effort. Ma voiture est juste là. Le vent hurlait et les trombes d'eau commencèrent à déferler sur la plage. Installés dans la voiture, Alex se rendit compte qu'il lui serait impossible de rallier l'hôpital, qui se trouvait à plus de une heure de route. La tornade était beaucoup trop active. La seule solution était de se rendre au plus vite chez elle. Elle pourrait peut être contacter les secours. Le chemin devenait boueux et très difficile. Elle dut se battre pour arriver à faire grimper ce maudit 4 x 4. Les cahotements de l'engin étaient une torture pour le blessé. Elle l’observait, inquiète, entre deux virages. Il était blême, tremblant de froid et d'épuisement. Ils arrivèrent enfin devant sa maison. Elle mit rapidement la voiture à l'abri dans le garage, puis avec toutes les peines du monde le fit descendre. Il tenait à peine sur ses jambes. Ils durent s’y reprendre à plusieurs fois pour franchir les quelques mètres qui les séparaient de l’ entrée. Elle l'installa sur le canapé, près de la cheminée ,lui fit ôter ses vêtements trempés, puis à peine allongé il sombra dans un sommeil comateux. Alex concentra ses efforts sur la radio mais elle restait muette. Cela ne l'inquiéta pas trop. Ils étaient en sécurité ici. Elle appellerait les secours en temps voulu. Après avoir une dernière fois vérifié que l'état de son protégé n'empirait pas, elle se doucha, revêtit des vêtements propres et s'installa dans l'autre canapé tout proche. Elle tombait littéralement de sommeil. Ces quelques heures de repos lui firent un bien immense. Sitôt réveillée, elle se prépara un repas léger qu'elle avala en quelques minutes, puis revint s'occuper de son blessé. Il semblait dormir paisiblement, bien que sa respiration soit un peu difficile. Son visage portait encore les marques de son combat pour la vie, mais il paraissait plus reposé. Son front était encore chaud et elle déposa une compresse fraîche. La fraîcheur du contact lui fit ouvrir les yeux. - Bonjour. Vous semblez aller mieux. - Où sommes nous ? - Chez moi. Impossible de vous conduire à l'hôpital. Les routes sont impraticables. - Vous m'avez sauvé la vie. Je vous en remercie. - Vous étiez dans un sale état. Qu'est ce qui vous est arrivé ? - Je suis officier fédéral. FBI. J'avais infiltré un groupe terroriste. Ils m'ont démasqué. Je l'ai chèrement payé. - Ils vous ont battu ? - Oui... ils ont joué au pucching ball avec moi. Vous voyez ce que je veux dire ? Ca a duré deux ou trois jours, je ne sais plus. Lorsque je perdais connaissance trop longtemps à leur goût, ils me réveillaient avec un seau d'eau glacé, puis si ça ne suffisait pas ils me branchaient des fils électriques à même la peau. J'ai vraiment cru y passer. Puis ils ont fini par me détacher. J'étais tellement mal que leur vigilance s'est relâchée. J'ai réussi à m'échapper. On était près d'un quai, j'ai pris un bateau. Ensuite... je ne me souviens pas... Il avait raconté son calvaire d'une voix monocorde, étranglée. Ses yeux gris verts étaient teintées de souffrance, comme s'il revivait son cauchemar. - Votre bateau a dérivé jusqu'à Weidel Island. C'est là que je vous ai trouvé. La tempête faisait rage. Vous avez eu de la chance de vous en sortir. - Il faut que je contacte le FBI... Il fit mine de se lever, mais retomba sur l'oreiller en grimaçant de douleur. - Eh... doucement... vous n’êtes pas en état de vous lever. Et ma radio ne fonctionne pas à cause de la tempête. Il ferma les yeux, épuisé par l'effort qu'il avait dû fournir pour parler. - Je m'appelle Alex. La jeune femme le regardait en souriant, attendant qu'il se présente à son tour. - Fox Mulder. Je suis dans quel état ? - Vous aviez une blessure assez profonde à la cuisse gauche. Je vous ai fait quelques points de sutures. Ca devrait suffire en attendant mieux. - Vous êtes médecin ? - J'ai mon diplôme, oui. Je pense que vous avez le poignet cassé, et sans doute des fractures de côtes. Vous avez mal lorsque vous respirez ? - Oui, très mal. - Donc fractures de côtes. Vous avez encore beaucoup de fièvre, je pense que vous faites une infection pulmonaire. Je vous ai injecté des antibiotiques. Et vous avez pas mal de contusions un peu partout. Depuis combien de temps n'avez vous pas mangé ? - Je ne sais pas... plusieurs jours. - Je vais vous préparer quelque chose. Cela vous fera du bien. - Pourquoi vous faites tout cela Alex ? j'aurai pu être un malfaiteur ou un prisonnier évadé... - Je suis médecin. Elle prononça ces mots d'une petite voix, comme si elle n'avait plus l'habitude de le dire. Et d 'un ton gai, reprit : - Et vous n'avez pas une tête de malfaiteur !!! Il lui sourit à son tour. Il l'a regarda intensément, son regard était magnétique. Alex plongea dans ses yeux gris vert, ne pouvant s'en détacher. Il émanait de lui une force et une sorte de vulnérabilité qui le rendait irrésistible. Elle se détacha avec peine, troublée par un sentiment qu'elle n'avait pas éprouvée depuis plusieurs années. Elle lui prépara un repas léger qu'il mangea avec application, mais sans grand appétit. Il bût par contre de grandes gorgées d'eau. - Je ne me sens pas très net... est ce que je peux utiliser votre salle de bain ? - Vous êtes sûr de pouvoir vous lever ? - Je me sens un peu mieux. Il se leva avec peine, et avec l'aide d'Alex traversa la pièce. Il ferma la porte derrière lui, et se regarda dans la glace. Il avait une tête épouvantable, avec ses lèvres fendues et son oeil tuméfié. Il enleva délicatement le pansement sur son front, découvrant une coupure profonde. Ils l'avaient sérieusement amoché. Ses cheveux étaient en bataille et pas très propres. En enjambant le rebord de la baignoire, un voile noir l'envahit et pour ne pas tomber agripa l'étagère la plus proche, qui s'effondra dans un grand bruit. Il finit par s'asseoir à terre, épuisé. Une voix inquiète derrière la porte le fit sortir de sa torpeur. - Fox, est ce que ça va ? - Non... pas vraiment. - J'entre. Elle le trouva très pâle et s'agenouilla près de lui. - Je crois que j'ai présumé de mes forces. Je ne tiens pas debout. - Maintenant que je suis là, je vais vous aider. Elle le fit asseoir et délicatement commença à le savonner avec une éponge douce. La fraîcheur de l’eau le fit frissonner, sa tête était vide et légère, la scène lui semblait irréelle. Alex était attentive à son corps blessé, elle ne faisait qu'effleurer les endroits douloureux. Il se laissait faire, il se sentait merveilleusement bien. Elle bascula avec douceur sa nuque en arrière et entreprit de lui laver les cheveux. Une torpeur l'envahissait, il était tout à la sensualité de ce moment. L'eau tiède glissa sur lui, les mains d'Alex étaient douces et légères. Lorsqu'il se redressa, il croisa le regard de la jeune femme, et il put y lire le trouble et l'émotion. Elle finit par le raser, avec des gestes incertains et malhabiles. - C'est assez près ? - C'est à vous de me le dire. Alex approcha alors son visage de sa joue et le caressa très doucement, joue contre joue. - C'est parfait. Sa voix même était troublée, envahie par la sensualité. La jeune femme se reprit et essaya de prendre un ton détaché. - Vous devriez vous recoucher. J’ai refait votre lit. Il s’appuya sur elle et Alex l'aida à parcourir la pièce lentement. Elle lui présenta un tee shirt propre et il le laissa habiller comme un enfant. Il s'allongea dans les draps frais. - Il faut que vous dormiez un peu. La fièvre est remontée. Je vais vous chercher un comprimé. Lorsqu'elle revint près de lui , il s'était endormi, son visage était détendu, reposé. Elle posa ses lèvres sur les siennes, rapidement. Elle était fascinée par cet homme. Depuis qu'elle l'avait rencontrée, elle se sentait irrésistiblement attirée par lui. Il y a si longtemps qu'elle n'avait pas été surpris par un homme... Depuis que Myron l'avait quitté, elle n'avait même pas eu envie de retrouver quelqu'un pour partager sa vie. La blessure était profonde.. Elle songea aux deux années passées depuis sa rupture avec lui. Solitude et dépression... Elle avait tout quitté : son métier, qu'elle pensait incapable de pouvoir exercer à nouveau, sa maison à Los Angeles. Elle avait trouvé ce poste de chercheur dans un coin désolé du pays et elle avait progressivement refait surface. Le contact de la nature et des gens simples l'avaient aidé à se retrouver. Elle était heureuse finalement, même si elle se sentait souvent très seule. Elle n'avait plus de famille depuis la mort de ses parents dans un accident d'avion il y a 6 ans. Myron était tout ce qui lui restait. Et elle l'avait laissé partir... Elle se reprit, refusant de se plonger dans ses souvenirs. Elle retourna dans la pièce où était installée la radio. Mais aucun signal ne parvenait à percer le mur de la tempête. Elle monta alors à l'étage pour essayer de trouver quelques vêtements qui pourraient servir à Fox. Un jeune stagiaire passait quelquefois par chez elle, et il laissait des affaires. Elle trouva enfin un jean correct et un pull, qu'elle descendit dans la pièce. Fox dormait toujours, mais à nouveau semblait agité par la fièvre. Elle l'entendit à nouveau prononcer le même prénom. Elle posa délicatement sa main sur son front qui était à nouveau brûlant. Elle fit le point sur son stock d'antibiotiques, qui n'était malheureusement pas au plus haut. Elle le découvrit pour examiner sa blessure à la cuisse. Il ne semblait pas y avoir d'infection, la blessure était propre. Mais malgré la douceur de ses mouvements, la douleur le réveilla. Il la regarda avec des yeux brillants de fièvre. - Pardon, je ne voulais pas vous réveiller. Vous avez encore beaucoup de fièvre. Il faut essayer de boire beaucoup. Elle alla lui chercher un grand verre d'eau. - Vous avez parlé dans votre sommeil. Qui est Samantha ? Elle s'aperçut qu'elle avait commis une erreur. Il baissa les yeux et elle sentit soudain chez lui une grande tristesse. - Excusez moi, je suis indiscrète. Je ne voulais pas... - C'est ma soeur. Elle a disparu lorsque nous étions enfant. J'avais 12 ans, elle en avait 8. J'ai toujours eu le sentiment que c'était de ma faute. Je suis obsédé par ce drame. Il avait prononcé ces derniers mots d'une voix étranglée. - Que s'est- il passé, Fox ? Vous acceptez de m'en parler ? - J'ai longtemps occulté mes souvenirs. Mais à la suite d'une régression sous hypnose, j'ai découvert dans mon inconscient qu'elle avait été enlevé par .... Il la regarda avec intensité. - .... Par des extra-terrestres. Alex essaya de cacher sa surprise. - Je suis rentré au FBI dans l'espoir fou d'essayer de... de la retrouver. Je crois que j'ai échoué. J'ai découvert d'innombrables dossiers sur les enlèvements, mais rien qui est jamais pu expliquer réellement la disparition de ma soeur. Je crois qu'il existe un complot visant à cacher la vérité sur ces enlèvements. - Un complot ? - Oui. Le gouvernement est complice de ces agissements. - Mais vous croyez vraiment qu'il existe des extra-terrestres, et qu'ils kidnappent les humains ? Son regard se troubla, et elle devina chez lui un grand désarroi. - Je ne sais plus.... Il soupira, et ses yeux se remplirent de larmes. - Je sais plus où j'en suis moi même. J'ai passé toute ma carrière à courir après les petits hommes verts, je suis passé pour un dément aux yeux de mes collègues... ils m'appellent le Martien... J'ai saboté ma carrière, ils m'ont relégué dans un bureau au sous sol... - Mais vous êtes toujours au FBI. - Oui. Ils ont fermé le service des affaires non classées, ils m'ont réaffecté. J'ai même reçu un blâme et j'ai été dégradé. - Ce doit être une période difficile pour vous. - Heureusement ,je suis pas tout seul. J'ai une collègue au FBI. Quelqu'un d'extraordinaire. C'est ma seule amie. Elle s'appelle Scully. Elle doit être morte d'inquiétude. - La radio ne fonctionne toujours pas. Vous êtes ensemble... ? enfin ... - Non. J'ai beaucoup de sentiments pour elle mais... si quelque chose se passait entre nous... je ne sais pas... je crois que ce ne serait plus jamais comme avant. Entre nous il y a autre chose que l'attirance sexuelle... c'est différent. Je ne sais pas comment vous expliquer cela. Un grand respect, une confiance réciproque... une confiance totale... Je donnerai ma vie pour elle. - Vous avez de la chance de l'avoir dans votre vie. - Oui. - Vous vivez seul ? - Oui. J'ai été marié, il y a quelques années. Mais on a divorcé. Elle ne supportait plus que je sabote ma carrière ainsi. Elle croyait en moi. Je crois que je l'ai déçu. Et vous ? - Moi... je vis seule également. Depuis deux ans maintenant. Il sentit qu'elle n'avait pas envie d'en dire plus. Ils se regardèrent et se sentirent soudainement irrésistiblement attirés l'un vers l'autre. Alex caressa doucement sa joue et ils s'embrassèrent passionnément. Il était brûlant de fièvre contre elle, elle était fraîche et douce. Leurs corps se rencontrèrent dans une étreinte avide. L'épuisement des dernières heures s'effaça soudain, et il oublia son corps meurtri. Après l'amour, il s'endormit comme un enfant, blotti contre elle. Elle le regardait, presque avec étonnement. Il y a quelques heures encore, elle était seule, et voila qu'elle se retrouvait avec cet homme, qu'elle ne connaissait pas. Il avait fait l'amour avec passion, comme s'il allait mourir demain. Elle le sentait maintenant vulnérable et presque en danger. Sur son visage abandonné, elle pouvait lire la souffrance et l'apaisement mêlés. Elle caressa ses cheveux, souriant malgré elle, heureuse de ce qu'elle avait reçu. Oubliant tout, elle profita de cet instant de bonheur. Elle s'endormit près de lui. Lorsqu'elle se réveilla, il n'était plus à ses côtés. Elle le chercha du regard et le trouva dans la cuisine, fouillant dans les placards, déplaçant divers objets, handicapé par l'atèle à son poignet. Il était attendrissant, avec son tee shirt trop court et ses cheveux en bataille. Mais en voyant le bandage de sa cuisse rougir, elle se leva précipitamment. - Tu ne devrais pas être debout. Ta blessure s'est ré ouverte. Laisse moi regarder. Il l'embrassa tendrement avant d'aller sagement s'allonger sur le canapé. Alex enleva délicatement les compresses tachées de sang et fronça les sourcils en découvrant la plaie. - Les points ont sauté. Tu saignes beaucoup. Il faut que je recouse. Mais j'ai épuisé l'anesthésique. Tu tiendras le coup ? - Il faudra bien. La radio ? - Je ne sais pas. Mais la tornade est toujours sur nous. Je doute qu'elle fonctionne. Attends, je vais voir. Tu ne bouges plus, d'accord ? - D'accord. La jeune femme revint quelques instants plus tard, les bras chargés de matériel. - Désolé. Tu risques de souffrir. Crie si ça te soulage. Elle désinfecta la blessure, et avec une main qui tremblait, s'approcha de la plaie. Il l'arrêta dans son geste et la regarda avec intensité. - Alex, fais ce que tu as à faire. Elle lui fit un pauvre sourire. Fox se retint de ne pas hurler lorsque l'aiguille transperça sa chair. Il respira rapidement, essayant d'occulter la douleur qui montait par vagues, lui donnant la nausée. Il ne peut retenir quelques gémissements, renversant la tête en arrière. Le supplice dura ce qui lui sembla une éternité, mais bientôt la souffrance se fit moins forte, refluant, pour s'atténuer bientôt. Lorsque Alex eut fini, il la serra dans ses bras - C'est fini, Alex, ça va. Tu as fait du beau travail. Ne t'inquiètes pas, ça va. Ils se tinrent longuement l'un contre l'autre, savourant ce moment d'intimité. Fox était étonné de se sentir si bien auprès de la jeune femme. Il y avait si longtemps qu'il n'avait pas éprouvé le besoin d'une vraie tendresse. Depuis son divorce, il y a 6 ans, il avait connu des aventures avec des femmes mais éprouvé par la douleur de la séparation ne s'était jamais plus abandonné comme aujourd'hui. Il prenait son plaisir, égoïstement, mais jamais n'avait voulu aller plus loin. Ici, loin de tout, il ressentait combien il avait été seul et combien la tendresse lui avait manqué. Dans ses relations avec Dana, il y avait de la tendresse, mais c'était différent. Il l'a considérait finalement un peu comme sa soeur perdue... Après les épreuves qu'il avait subi, fatigué, démotivé, il avait envie de vivre autre chose. Et Alex était si belle... Il l'embrassa avec passion, ne se rassasiant pas de ses lèvres. Ils refirent l'amour tendrement. Ils ne savaient pas ce qu'ils allaient devenir, si l'amour qui naissait allait pouvoir s'épanouir ou si la vie allait les séparer. Mais ce moment volé était pour eux un réconfort, un cadeau. Le monde extérieur n'existait plus, les douleurs et les souffrances s'étaient envolées. Il ne restait plus que leurs deux corps enlacés. Après l'amour, Alex ne put s'empêcher de poser la question à son amant. - Que va t'il se passer après Fox ? Tu vas partir ? Il la regarda longuement, avec dans les yeux cette tristesse qui la bouleversa. - Je voudrais ne pas partir Alex. Je suis bien auprès de toi. Mais comment pourrions nous envisager l'avenir ? Tu as ta vie ici, et j'ai la mienne à Washington. Mais surtout je ne veux pas te mettre en danger. Je fréquente des gens dangereux, qui pourraient te faire du mal en voulant m'atteindre. Je ne le supporterai pas. Il lui caressa la joue sensuellement. Ils furent interrompus par les crachotis de la radio. Alex se précipita pour répondre. La liaison était particulièrement mauvaise, mais elle reconnut Jerry, le shérif du comté. Inquiet pour la jeune femme, il essayait depuis des heures de la joindre. Elle le rassura et après un long regard vers Fox, signala sa présence. Ils n'étaient plus seuls au monde. Elle raccrocha pensivement la radio. Jerry allait prévenir le FBI qu'on avait retrouvé l'agent disparu. Bientôt, des secours allaient venir le chercher. - Merci Alex. Ils passèrent les heures suivantes à refaire le monde, se regardant dans les yeux comme s'ils n'allaient plus jamais se voir. Leurs mains se touchaient, leurs lèvres avides de baisers se rapprochaient. Alors qu'ils allaient à nouveau unir leurs deux corps, Fox sursauta en entendant un bruit inhabituel dehors. Alex se leva pour regarder à la fenêtre et se tourna vers lui avec des yeux inquiets. Avant même que Fox soit debout, la porte était enfoncée dans un bruit infernal. Trois hommes armés firent irruption dans la pièce, bousculant les chaises et braquant sur eux leurs fusils. - Mulder, on a bien failli ne pas te retrouver ! Mais l'imprudence de la demoiselle va t'être fatale. L'un des hommes avait pris Alex par le cou et la jeune femme essayait vainement de se débattre. - Ne lui faites pas de mal. Elle n'a rien à faire dans cette affaire. Relâchez la. Fox essaya de se lever mais sa cuisse douloureuse empêcha tout mouvement rapide. Bramas braqua son pistolet sur sa tempe. Alex ne put s'empêcher de crier. - Mulder, on dirait que tu as séduit cette jeune femme. J'ai l'impression qu'elle tient à toi. - Laissez la, Bramas. Bramas hurla sur Mulder. - Ecoute bien espèce de traître. Tu nous as donné beaucoup d'ennuis depuis ces quelques heures. Alors tu n'as pas à nous donner d'ordre, c'est bien compris ? Il continuait à menacer Mulder, prêt à lui faire exploser le crâne, puis l'empoigna brutalement, l'obligeant à se lever. Fox retint le cri de douleur qui montait en lui, et suivit Bramas jusqu'à la porte d'entrée. - Dehors Mulder. - Qu'allez vous faire d'elle ? Pour toute réponse, il reçut un coup de crosse dans les reins qui le fit tomber à genoux dans la terre détrempée. Il faillit perdre connaissance tant la douleur était forte. Il se releva avec peine et se tourna vers Bramas. Les deux hommes s'affrontèrent du regard puis finalement Bramas détourna les yeux et lui intima de se mettre à genoux , les mains derrière le dos. Mulder sut qu'il était perdu. Bramas n'était pas de ces hommes à reculer devant un meurtre. Avec des mouvements lents, il s'agenouilla, serrant les dents. Il regarda sans les voir les arbres et les montagnes devant lui. Il pensa à sa mère... Le bruit de la détonation et le choc le surprirent et il s'écroula, face contre terre, suffoqué par une douleur si forte à la poitrine qu'il perdit connaissance quelques instants. Lorsqu'il ouvrit les yeux à nouveau, il vit Bramas, étendu près de lui, une balle dans la tête. Des hommes en uniforme s'agitèrent près de lui, le retournèrent, lui appliquèrent un masque à oxygène sur le visage, qu'il essaya d'enlever. - Alex... - On s'occupe d'elle. Ne parlez pas. L'homme qui lui avait répondu remit le masque en place. Il sentit qu'on lui faisait une injection, et il sombra dans l'inconscience. Lorsqu'il reprit connaissance, il vit le visage inquiet de Scully penché sur lui. Elle lui sourit tendrement. Il se sentait très mal, il avait envie de vomir. Il sentait un tuyau dans sa gorge, il ne pouvait pas parler. - Tu as de la chance d'être en vie, Mulder. Bramas a tiré avant qu'on l'abatte. Tu as reçu une balle dans la poitrine. Ton poumon droit est abîmé, mais tu vas t'en sortir sans trop de dégâts. Tu es resté plusieurs heures dans le coma. Tu m'as fait une sacrée peur. Il essaya de faire comprendre à Scully qu'il voulait écrire quelque chose. Il agita faiblement la main. La jeune femme comprit et lui tendit un petit carnet et un stylo. Il écrivit maladroitement. - Alex ? Scully secoua la tête d'un air triste. - Je suis désolée Mulder. Elle était gravement blessée. Les secours n'ont rien pu faire. Elle vit le visage de son ami perdre le peu de couleurs qui lui restait. Il ferma les yeux, anéanti par la nouvelle. - On a pu remonter tout le réseau. Ils avaient des caches d'armes un peu partout dans le pays. Tu as fait du beau travail Mulder. Elle le regardait attentivement et s'aperçut que des larmes coulaient sur ses joues. - Tu pleures ??? ! C'est pour cette jeune femme ? Elle s'approcha de son ami avec tristesse, consciente de sa détresse. Un médecin entra dans la chambre. - Vous avez repris connaissance, bien. Je vais vous enlever le tuyau du respirateur. Vous allez souffler le plus fort possible quand je vous le dirai, d'accord ? Fox acquiesça des paupières, las. Ses fractures de côtes et la blessure de son poumon droit l’empéchèrent de faire la manoeuvre correctement et il sentit le tuyau lui arracher la gorge. - Tu n'es pas sérieux, Mulder. Tu n'es pas en état de quitter l'hôpital. - Je ne resterais pas une minute de plus ici. J'étouffe. Il avait prononcé ces mots d’une voix rageuse et presque agressive, tout en arrachant la perfusion encre branchée au creux de son bras. Avec maladresse, il pressait une compresse pour arrêter le saignement. Dana ressentait sa nervosité dans chacun de ses gestes. - Les médecins ne te laisseront pas faire. - Je leur en ai déjà parlé. Je vais signer une décharge. - C'est de la folie, Mulder. Je ne comprends pas ton attitude. - Peu importe Scully. Je ne demande pas de me comprendre. Il se leva en grimaçant, tenant ses côtes et commença à enfiler ses affaires. - Écoute, ne fais pas ça. - Arrête Scully. Je me tire. - Comment vas tu faire pour tes pansements ? Tu ne peux même pas de servir de ta main. - J'appellerai une infirmière. - Je peux passer si tu veux. Il ne répondit pas et essaya de mettre son blouson, sans y parvenir. Scully s'approcha et l'aida à enfiler ses manches. Elle secoua la tête d'un air réprobateur puis le suivit dans le couloir. Il signa la décharge et sortit d’un pas rapide mais mal assuré pour s'engouffrer dans un taxi. Il ne lui adressa même pas un regard . - Mulder... Il claqua la portière sans un mot. Elle le regarda partir, à la fois triste et déçue par son attitude. Elle attendit deux jours mais sans nouvelle de son partenaire décida de se rendre à son appartement. - Mulder ? c'est moi. Ouvre s'il te plait. Elle entendit du bruit derrière la porte et il lui ouvrit. En entrant, elle découvrit un véritable champ de bataille. Il régnait dans l'appartement le désordre le plus total. Mulder n'avait jamais été très ordonné, mais là, c'était différent. Elle tenta de plaisanter. - Tu as renvoyé ta femme de ménage? Il ne répondit pas, la mine sombre. Amaigri, il marchait encore difficilement du fait de sa blessure à la cuisse. Il était vêtu d'un jean éliminé et d'un tee shirt d'un blanc sale, portait une barbe naissante qui lui donnait un air pitoyable. Ses cheveux étaient sales et mal coiffés. - Qu'est ce que tu fais là Scully? - Tu n'as pas donné de nouvelles. Figure toi que je m'inquiète pour toi, aussi stupide que cela puisse te paraître. Comment tu vas? - Ca se voit non? - Ne joue pas à cela avec moi Mulder. Qu'est ce qui t'arrive? Tu as vu ta tête? Tu as fait changé tes pansements? - Non. - Tu es complètement inconscient ! Montre moi ça. - Laisse moi Scully. Va t’en. Sa voix était lasse. - Je ne partirai pas. Laisse moi regarder. Il la laissa s'approcher de lui, un peu sur la défensive malgré tout et elle remonta le tee shirt pour faire apparaître le pansement souillé. - C'est infecté, bien sûr. Vraiment je suis effarée. Si tu veux retourner à l'hôpital, continue comme ça. Et ta jambe? Elle est dans le même état? - Je m'en fous. Il avait dit cela avec une telle lassitude, un tel désarroi, qu'elle ne put s'empêcher de radoucir son ton. - Mulder, il faut que tu te reprennes. Je suis consciente que tu as dû vivre des moments terribles ces derniers jours. Mais il faut essayer de reprendre le dessus. Je vais descendre à la pharmacie chercher des antibiotiques et de quoi nettoyer tout ça, d'accord? Il secoua la tête pour dire oui, sans prononcer une parole. Elle lui passa avec tendresse la main dans les cheveux et se leva. - Je reviens dans quelques minutes. Tu devrais prendre une douche. Tu en as besoin. Elle ne l'avait jamais vu dans cet état. Bien sûr, son tempérament était plutôt cyclothymique, et il lui arrivait souvent d'être déprimé, mais jamais elle ne l'avait connu ainsi, si dépressif, se négligeant de la sorte. Il s'était sans doute passé quelque chose avec cette jeune femme, et Mulder devait être véritablement affecté. Et son sentiment de culpabilité devait resurgir, plus fort que jamais. Un jour de spleen, il lui avait déjà parlé de cette impression qu'il arrivait malheur à tous les gens qui l'approchait: Sa soeur, son père, la jeune femme qu'il avait connu pendant son enlèvement, elle même, avec son cancer... L’extrême lassitude due aux évènements de ces derniers jours, et son état de santé avaient accentué sa déprime. Mais le fait qu'il la rejette la blessait au plus profond d'elle même, alors qu'il savait qu'elle était là, à son écoute. Lorsqu'elle remonta avec les médicaments, elle entendit la douche couler et sourit. Elle en profita pour mettre un peu d'ordre dans le salon, ramassant les affaires qui traînaient éparses, une boite vide de pizza, un tee shirt, des chaussettes... et ouvrit la fenêtre pour aérer la pièce. Voulant se servir à boire, elle ouvrit le frigo et ne trouva qu'une bouteille de lait, périmée de surcroît, qui trônait, désespérément seule. A la fois amusée et inquiète pour lui, elle revint dans le salon et prépara le nécessaire pour faire les soins. Il sortit de la douche peu après, dégoulinant et fumant. Il ne s'était pas rasé pour autant, mais il avait déjà meilleur allure. Il avait enfilé un caleçon et s'assit sur le canapé, ne la regardant qu'à peine. Avec des gestes doux, elle ôta le pansement souillé au niveau de sa cuisse et commença à désinfecter soigneusement la blessure. Elle saupoudra ensuite d'antibiotiques locaux et recouvrit le tout d'un pansement stérile. Puis elle s'occupa de la blessure au thorax et recommença l'opération. Mulder la regardait faire, il se sentait à la fois agacé et coupable d'avoir été si dur avec elle. Leurs yeux se croisèrent l'espace d'un instant et elle le regarda si tendrement qu'il fut sur le point de se taire... - Voilà, c'est quand même mieux ainsi. Je vais te faire une injection d'antibio pour plus de sécurité. Promets moi de prendre soin de ça, 0K? - Scully... je vais démissionner du FBI. Il avait prononcer ces mots d’une voix à peine audible. - Quoi ? tu n'es pas sérieux ! Elle le regarda et s'aperçut qu'il n'avait vraiment pas l'air de plaisanter. - Mulder... tu ne peux pas faire cela... - Ma lettre est prête. Je ne l'ai pas encore posté... je ne peux pas descendre.. à cause de ma jambe... mais je vais le faire. - Pourquoi cette décision ? - Je n'en peux plus Scully. Je n'ai plus la force de continuer. Pardon de te décevoir. Je ne t'ai apporté que des ennuis. - Ne dis pas cela, Mulder. Tu m'as ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Je ne peux croire que ça s'arrête là. Elle s'était rapprochée de lui. Ils se regardèrent en silence un long moment. Puis il s'écarta légèrement. Ses yeux verts reflétaient sa propre détresse. Alors, très doucement, elle lui déposa un baiser sur le front. Il ne bougea pas, ne parut pas réagir. Leurs regards, de nouveau, s'accrochèrent. Une tension soudaine, inexplicable, surgit entre eux. Insen siblement, elle l'attira contre lui. Sa main remonta le long de sa nuque, elle sentit sa peau chaude sous ses doigts qu'elle enfouit dans sa chevelure humide. Après une seconde d'hésitation, il releva la tête. Ses lèvres effleuraient les siennes... Il se recula soudain brutalement et baissa les yeux. Sa voix était rauque lorsqu'il lui parla. - Non, Scully. Je ne veux pas de ta pitié. Va t'en... j'ai besoin de rester seul. Il était incapable de soutenir son regard. - Mulder... - Va t’en Scully... Elle se leva et quitta la pièce sans un mot, sans un regard pour lui. Dès qu'elle eut quitté la pièce, il s’effondra sur le sofa, secoué de sanglots qu'il ne pouvait pas contrôler. Il resta un long moment ainsi, puis se dirigea vers la salle de bains. Il se regarda dans le miroir et découvrit son visage ravagé par la fatigue et le chagrin. Sans plus réfléchir, il prit dans l'armoire de toilette le tube de somnifères, renversa une quinzaine de cachets dans sa main ouverte. Il attrapa la bouteille de vodka qui traînait et avala les comprimés un à un, méthodiquement. Il se sentit glisser rapidement vers l’abîme... - Monsieur ? c'est Scully. Pardon de déranger à cette heure... mais je suis inquiète au sujet de Mulder. Skinner avait la voix pateuse d’un homme au réveil. - Que se passe t'il, Scully ? Vous l'avez vu ? - Oui, et il m'a paru extrêmement dépressif. Au bord de la rupture. Il m'a parlé de démissionner. Il n'a pas voulu que je reste avec lui pour en parler. J'ai appelé chez lui plusieurs fois depuis que je l'ai quitté et sa ligne est occupée... J'ai peur qu'il ait fait une bêtise... - Vous avez ses clefs ? - Oui. - Je passe vous prendre. Je serai là dans une dizaine de minutes. Ils furent rapidement devant la porte de l'appartement de Mulder. Fébrilement, Scully fouilla dans le trousseau de clefs et ouvrit la porte. Son pressentiment était juste. Mulder gisait sur le canapé du salon, son bras pendait au sol, le visage très pâle, les paupières ombrées de cernes gris, les lèvres décolorées, les narines pincées. Scully se précipita sur lui et tâta son cou à la recherche du battement de l'artère carotide. Sur la table basse se trouvaient le tube vide et la bouteille. Skinner se précipita sur le combiné que Mulder avait été décroché pour appeler les secours. Mais Scully l'interrompit. - Il est vivant... Son pouls est faible, mais il est vivant. Si vous appelez les secours... sa carrière est fichue. Je sais ce qu'il faut faire pour le tirer de là. Est-ce-que vous allez m'aider ? Elle le regarda avec anxiété et il sentit qu'il pouvait lui faire confiance pour le tirer d'affaire. - Bien sûr. - Il faut faire du café, du café très fort. Au moins un litre. Skinner fonça à la cuisine et chercha ce dont Scully avait besoin. Il découvrit parmi les étagères la boite convoitée et fit du café. Lorsqu’il revint vers le salon, il vit que Scully avait déshabillé Mulder pour ne lui laisser que son caleçon. - Il faut le mettre sous la douche. Sous l’eau froide. J’espère que cela va lui faire reprendre connaissance. Il faut faire vite, il s’enfonce. Skinner le prit sur ses épaules et l’installa sous le jet glacé. Au bout de quelques minutes qui parurent des heures, Mulder commença à réagir faiblement. Scully le gifla fortement et il ouvrit les paupières avec difficulté. Ils le sortirent et l’essuyèrent sommairement puis l’ installèrent à nouveau sur le canapé. Il grelottait maintenant et prononçait des mots incompréhensibles. Patiemment, gorgée par gorgée, ils lui firent avaler le café fort que Scully avait salé, afin de le faire vomir. Il rejeta à plusieurs reprises le breuvage infect et Scully commença à compter les débris de comprimés. Pendant une heure, ils répétèrent le processus, café, vomissements. Mulder sortait peu à peu de sa torpeur, mais était en état de choc. Après que Scully se fut assurée que ses constantes étaient à nouveau normales, ils le couvrirent avec toutes les couvertures disponibles. Il tremblait de froid et n’arrivait pas à se réchauffer. - Je crois que c’est gagné. Il va dormir quelques heures maintenant. Merci de votre aide. Je n’y serai pas arrivée sans vous. - Voulez-vous que je reste avec vous ? - Ca va aller je pense. Il ne va pas être fier de lui en se réveillant et je pense qu’il vaudrait mieux que je sois seule avec lui. Elle le raccompagna jusqu’à la porte. Lorsqu’elle revint auprès de Mulder, il avait changé de position et s’était recroquevillé sur lui même. La luminosité lui fit ouvrir les yeux très péniblement et il la vit penchée sur lui. - Pourquoi tu es venue.... ? - Une intuition, Mulder. Quelques heures de plus et tu nous aurais quitté. Tu es donc si mal ? - Pire que ça... - Dors... nous parlerons plus tard... si tu veux. Il faut que tu dormes. Elle caressa ses cheveux, puis s’installa sur le canapé près de lui. Il blottit sa tête sur ses genoux et elle l’entoura de ses bras. Il frissonnait, mais il se sentait bien contre elle et il dormit ainsi plusieurs heures. Scully l’observa pendant tout ce temps. Des sentiments contradictoires se pressaient dans sa tête. Elle l’aimait. Depuis plusieurs mois maintenant, elle avait découvert avec stupeur que l’amitié si forte, si particulière, qu ’elle lui portait s’était transformée en amour. Elle réprimait ce sentiment depuis qu’elle l’avait décelé mais ce soir, il s’était passé tant de choses... Manifestement, il n’était pas prêt à recevoir cet amour. Sans doute était-ce la violence des événements récents, sa rencontre avec cette jeune femme à présent disparue. Elle ne pouvait pas croire qu’il n’éprouvait pas de sentiments pour elle. Sa tendresse, la façon qu’il avait de la protéger, ses regards ne la trompaient pas. Elle le connaissait par coeur, ses peurs, ses doutes, mais aussi son humour, son charme si particulier. Il séduisait autant qu’il agaçait. Ils s’étaient rencontrés, comme deux âmes soeurs, et ils avaient vécu les mêmes drames, la perte de leur père, de leur soeur. Toujours là, se respectant l’un l’autre plus que tout. Peut être respectant aussi trop leur intimité respective. Il ne s’était jamais ouvert sur le plan personnel, et elle supposait simplement qu’il voyait quelques femmes en dehors du FBI, tout comme elle avait eu quelques aventures, ça et là. Il s’agita un peu dans son sommeil. Elle le berça doucement et il reprit une respiration plus régulière. Sur son visage, elle pouvait lire une telle souffrance qu’elle en fut bouleversée. Elle se rappela leur première rencontre et cette vulnérabilité qu’elle avait devinée dès leurs premières conversations, derrière une façade de détachement et de cynisme. Elle savait maintenant qu’elle était tombée amoureuse de lui dès les premiers jours. Son intelligence, sa perception intuitive des évènements, sa foi l’avaient envoûtés. Elle l’avait suivi partout, dans toutes ses folies, au delà même du raisonnable. Elle avait toujours écarté la possibilité d’une relation plus intime, mais ce soir, elle ressentait le besoin de le protéger, de l’ aimer, de lui faire oublier ses peines. Elle finit par s’endormir quelques heures. Lorsqu’elle s’éveilla, il n’était plus près d’elle. Elle se leva rapidement et découvrit une lettre écrite semble t’il à la hâte. - Scully, tu vas sans doute me trouver lâche et j’espère que tu me pardonneras. Je pars. J’ai besoin de me retrouver, si cela est possible. Je vais essayer de me reconstruire, ailleurs, autrement. Je ne suis pas sûr d’ avoir vraiment envie de continuer à vivre, mais je tente quand même l’ aventure. N’essaye pas de me joindre. J’espère pouvoir te donner des nouvelles dans quelque temps. Je t’embrasse tendrement. Mulder. Il avait pris quelques affaires et ses papiers, laissé son badge du FBI et son arme, ce qui la rassura un peu. Elle rangea la maison sommairement et emmena le bocal du poisson rouge... Dans le bus qui le conduisait à New York, Mulder, le front contre la vitre, regardait sans le voir défiler le paysage. Il avait choisi le bus et non l’ avion, pour se donner du temps de se trouver un but, un espoir quelconque. Il descendit dans un motel pour la nuit et s’occupa de soigner sa jambe encore douloureuse et sa blessure à la poitrine. En faisant ses pansements, il pensa à Scully. Comment allait-elle réagir à sa fuite ? Il espérait simplement qu’elle ne chercherait pas à le retrouver. Il lui fallait du temps. Il s’endormit d’un sommeil lourd, épuisé. Il arriva à N.Y le lendemain soir. La ville ne lui était pas familière, il l ’avait choisi pour se perdre dans la foule, mais également parce qu’il s’ était souvenu d’une proposition d’emploi dans un laboratoire de recherche expérimental sur la psychologie. Par chance, l’emploi était toujours libre et il fut engagé. Son employeur ne lui posa pas de questions sur sa venue soudaine, trop heureux de le compter dans ses rangs. Il lui donna l’adresse d’un logement qu’il savait libre, au coeur de Greenwich Village. Il s’y présenta et sur la recommandation du professeur, il obtint sans peine l’ appartement. Son nouveau job l’occupait jour et nuit. Son expérience et son intelligence lui permirent de s’intégrer rapidement aux programmes de recherche en cours. Ses collègues connaissaient son parcours professionnel et le respectaient, mais ils n’essayèrent pas de lier d’amitié avec lui. Il avait quelque chose en lui qui dérangeait. Ses premières semaines à N.Y furent studieuses et solitaires. Il ne rencontrait personne, ne parlait pratiquement pas en dehors du strict minimum. Cette vie lui convenait. Ses blessures, corporelles et mentales, s’estompaient peu à peu. - Je peux vous aider ? Mulder, se retourna, les bras chargés de linge. Il se battait depuis plusieurs minutes avec la machine à laver commune au sous sol de l’immeuble. - Cette machine est capricieuse. Mais j’ai un truc pour la faire obéir. La jeune femme donna un grand coup de poing sur les commandes de la machine récalcitrante. - Mettez votre linge. Je suis sûre qu’elle va démarrer maintenant. Vous voyez !! - Merci. Sans vous, je serais parti bosser en caleçon demain matin ! - je m’appelle Karen. Je crois que nous sommes voisins. Avec un grand sourire, elle lui tendit la main. Il lui rendit son sourire et se présenta. - Je m’appelle Fox Mulder. - Est ce que l’appartement vous plait ? - Oui, il est sympa. Elle sentait qu’il n’avait pas envie de continuer la conversation, mais elle était trop heureuse de l’avoir enfin rencontré. Elle l’avait remarqué dès son arrivée dans l’immeuble, et l’avait trouvé séduisant et mystérieux. Il rentrait tard et la lumière restait allumée chez lui presque toute la nuit. Avec Lisa, sa meilleure amie, elle avait fait le pari de le rencontrer et d’ essayer de lui parler. La tache n’annonçait difficile. Elle l’observa à la dérobée. Il était vêtu d’un jean éliminé et d’un tee shirt gris, portait des baskets. Il était grand et mince, et Karen fut frappé par son regard. Ses yeux d’un vert magnétique, reflétaient un sentiment de mélancolie intense. - Ecoutez, je donne une petite fête dans trois jours. Il y aura quelques amis, et j’aimerai que vous veniez. Pour vous souhaiter la bienvenue à N.Y. Surpris, il accepta la proposition du bout des lèvres. - Je travaille tard. - Aucune importance. Venez quand vous pourrez. Ca me fera plaisir. Il la regarda partir, fine et fraîche dans sa petite robe fleurie. Il regrettait d’avoir accepté, mais il se présenta tout de même, une bonne bouteille à la main. Karen lui ouvrit la porte et le fit entrer. Mulder n’ avait pas vu autant de monde depuis longtemps, et il se sentit vite mal à l’ aise. Il se retira sur la terrasse, un verre à la main, le regard pensif. Karen s’approcha de lui. - Est ce que ça va ? - Oui... je n’ai pas l’habitude de ce genre de soirées. Ce n’était peut être une bonne idée que je vienne... - Pourquoi ? Je suis heureuse que vous soyez venu. Ils se mirent à discuter sur leur job respectif et Mulder s’aperçut qu’il se sentait bien avec elle. - Si vous voulez, on pourrait se revoir, de façon moins... bruyante. Elle désigna ses amis dans le salon. - Qu’en dites vous ? Il la regarda un long moment avant de répondre. Elle se sentit transpercée par ses yeux verts. - Ca me plairait. - Super. Disons demain soir ? Je connais un resto sympa pas très loin d’ici. - D’accord. Je passe vous prendre dès que je rentre. Il faut que j’y aille maintenant. J’ai du travail qui m’attend. Merci pour le verre. Elle le regardait s’éloigner de sa démarche souple. Lisa s’approcha de son amie. - Alors ? - J’ai rendez vous demain soir pour dîner. - Il a l’air bizarre, non ? - Non... je ne crois pas... Il a l’air triste... Je crois qu’il se sent très seul. J’adore ses yeux... - Karen... tu exagères. Tu connais à peine ce type, et il a au moins dix ans de plus que toi. - Et alors ? Lisa secoua la tête de façon réprobatrice. Karen avait l’art d’attirer les types à problèmes, ou trop vieux pour elle. Mais il fallait avouer que celui ci était particulièrement séduisant... Ils dînèrent le lendemain soir comme prévu. Elle le trouva plus décontracté, moins sur la défensive. Leur conversation devint vite assez intime. Mulder avait l’impression qu’il pouvait enfin se confier, sans crainte d’être jugé ou mal compris. Il lui parla de sa quête, de ses espoirs et de ses doutes, et avec pudeur des derniers événements survenus dans sa vie. Karen le sentait parfois si proche des larmes qu’elle retenait avec peine l’envie furieuse de le prendre dans ses bras pour le consoler. Elle comprenait maintenant la douleur dans ses prunelles et à la commissure de ses lèvres. Ils rentrèrent à pied, et Karen fit le premier pas. Elle lui prit la main doucement et il la laissa faire. Arrivés devant leurs appartements, ils se séparèrent, comme à regret. Karen sentit qu’il ne fallait pas qu’elle l’ effraye, qu’il ne fallait pas le brusquer. Elle ne put toutefois s’empècher de l’embrasser tendrement. Après qu’elle l’ait quitté, il rentra dans son appartement. Il se sentait désemparé, se sachant incapable de répondre aux sentiments qu’il avait cru décelé chez cette séduisante jeune femme. Il resta un long moment assis dans le noir, essayant de mettre de l’ordre dans sa tête. Il était à deux doigts d’appeler Scully. Il finit finalement par s’endormir après avoir pris les incontournables narcotiques. La tête vide, le corps engourdi par les puissants somnifères, il se laissa sombrer dans un sommeil comateux peuplé de cauchemars. - Fox ? Salut, c’est Karen. Je m’excuse de te déranger. Tu vas bien ? - Oui... j’ai eu une dure journée, mais ça va. Et toi ? - Bien... Je me demandais... je sais que ça va te paraître un peu précipité... mais j’ai des billets pour le match de basket de ce soir... ça te tente ? - J’adore le basket... oui, c’est une bonne idée. - D’accord. Je passe te prendre à 19 heures. Tu seras rentré ? - oui. Karen ? - oui ? - merci. C’est vraiment gentil. Ils passèrent une soirée formidable. Les amis de Karen étaient là aussi et il se sentit finalement assez à l’aise avec eux, même s’il était plus âgé qu’eux. Il se sentait observé et essaya de montrer un bon côté de lui même, pour ne pas les faire fuir. Ils finirent la soirée dans l’appartement de Karen et il sentit que la jeune femme voulait aller plus loin avec lui. Il ne rentra qu’au petit matin prendre ses affaires. Il se sentait différent, ce monde lui paraissait si loin de celui dans lequel il avait vécu ces 6 dernières années. Il n’arrivait pas encore à savoir si cela lui convenait, il se laissait porter par la vague. Un mois s’écoula ainsi, entre son job et la joie de retrouver Karen le soir venu. Elle découvrait un homme plein de charme et d’humour, mais quelquefois si mélancolique qu’il la bouleversait. Il avait appelé Scully pour la rassurer, lui assurant que tout allait bien. Il n’en était pas vraiment persuadé lui même. Il sentait toujours au fond de lui ce mal-être, ce sentiment de solitude si profond, ce désir d’en finir avec cette vie gâchée. Qu’est ce qu’il le retenait d’en finir, finalement ? Il n’avait plus accès aux affaires non classées, plus aucune chance de retrouver sa soeur, qui était sans doute morte depuis des années... Il était seul, seul à s’apitoyer sur son sort, misérable, cherchant à croire avec Karen qu’il pouvait vivre une vie normale... Il se rendit soudain compte qu’il était tombé dans les bras de la jeune femme par lâcheté, pour reculer le moment fatidique où il allait enfin avoir la volonté d’en finir. Il refusa de la voir pendant deux jours, prétextant une surcharge de travail, s’enferma dans son appartement, s’abrutissant de narcotiques. Puis le troisième jour, dans un sursaut de courage, il s’arma d’une lame de rasoir, avala une dizaine de cachets et se trancha les veines. Il vit le sang couler sur le carrelage, sentit la vie lui échapper enfin et tomba à terre, un peu effrayé malgré tout. Le sol était froid, il se recroquevilla sur lui même, son corps était secoué de tremblements incontrôlables. Il avait un goût bizarre dans la bouche, il entendit la sonnerie du téléphone et le répondeur qui se mettait en route. La voix de Karen résonna dans l’ appartement. Il sombra dans l’inconscience. - Lisa, il ne s’est pas présenté au boulot depuis trois jours. Je suis sûre qu’il est chez lui... Mon Dieu, j’espère qu’il va bien... Il faut que j’en ai le coeur net. - Qu’est ce que tu veux faire ? - Je vais descendre demander la clé au propriétaire. Je vais lui expliquer. Il pourra ouvrir la porte. - Karen, il veut peut être simplement rompre... - Non... je suis persuadée que ce n’est pas ça... Ces derniers jours, j’ai bien senti qu’il n’allait pas bien... Je descends chercher la clé... - Attends, je vais avec toi. Elles réussirent à persuader le propriétaire qui leur confia la clé de l’appartement de Fox. Elles remontèrent très vite et Karen ouvrit la porte avec précipitation. Elle entra et vit que Fox n’ était pas dans la salle, ni dans la chambre. C’est Lisa qui le découvrit, exsangue, le visage très pâle, de larges flaques de sang de part et d’autre de ses poignets largement entaillés. - Karen, n’entre pas... Appelle une ambulance, vite. Elle posa sa tête sur sa poitrine pour chercher le battement du coeur, qu’ elle entendit très faiblement. Karen arriva et resta prostrée sur le pas de la porte, découvrant avec effroi le corps inanimé de son amant. - Lisa... Elle était incapable de faire le moindre geste et Lisa dut la secouer pour qu’elle réagisse. - Karen, il faut appeler les secours. Vite. Il est encore en vie. A ces mots, la jeune femme reprit ses esprits et se précipita en larmes sur le téléphone. L’ambulance arriva quelques minutes plus tard et il fut prit en charge par les médecins .Son coeur s’arrêta quelques instants plus tard. Les deux jeunes femmes assistèrent impuissantes au combat des secouristes pour le réanimer. Après quelques minutes d’effort, elles entendirent le bip rassurant du moniteur cardiaque. Intubé, bardé d’électrodes, Fox fut rapidement transporté dans l’ambulance qui le conduisit toutes sirènes hurlantes vers l’hôpital le plus proche. On lui fit subir un lavage d’ estomac, puis lorsque son état fut stabilisé, il fut conduit en salle d’ opération pour suturer ses poignets. Transfusé, il fut transporté en soins intensifs deux heures plus tard. Karen put le voir quelques instants. Son visage était marqué par la mort qui l’avait effleurée, les paupières ombrées par de grands cernes gris, les lèvres décolorées, les joues creusées. Elle caressa ses cheveux emmêlés. Elle ne comprenait pas son geste. Elle se mit à pleurer à chaudes larmes. - Il va s’en doute s’en sortir, Mademoiselle. Vous êtes de la famille ? - Non... je suis sa petite amie. Mon dieu, pourquoi a-t’il fait cela ? - Le suicide est toujours difficile à vivre pour les proches. Il ne faut pas vous en vouloir. C’est sa première tentative ? - Non... il a déjà essayé, il y a quelques mois. - Est-il suivi sur le plan psychiatrique ? - Non, je ne crois pas... Je ne le connais pas depuis très longtemps... il ne m’en parlait pas. - Il faudrait essayer de contacter sa famille. Vous pouvez vous en charger ? - Je vais essayer, oui. - Les visites sont limitées dans ce service. Ne vous inquiétez pas, nous le prenons soin de lui. - Va t’il s’en sortir ? - C’est encore un peu tôt pour se prononcer. Il a perdu beaucoup de sang, et son organisme est très affaibli par les drogues qu’il a ingéré. Il est dans le coma. Il faut attendre. - Oui, je comprends. Le médecin la raccompagna dans la salle d’attente où elle rejoignit Lisa. - Comment va t’il ? - Il est dans le coma. Il faut attendre. Je dois contacter sa famille.... Mais je n’ai aucune idée sur l’endroit où habite sa mère... - Sa partenaire, à Washington. C’est elle qu’il faut contacter. Appelle au FBI. On arrivera bien à la joindre. - Oui, tu as raison. Viens, on va essayer. Après de fastidieuses recherches, Karen réussit enfin à trouver Scully. - Mlle Scully, vous ne me connaissez pas, mais je vous appelle au sujet de Fox... - Qui êtes vous ? que se passe t’il ? - Je m’appelle Karen , je suis la petite amie de Fox. Il a tenté de mettre fin à ses jours. - Oh mon Dieu, non ... comment va t’il ? - Il est dans le coma... les médecins ne peuvent pas encore se prononcer. Elle pleurait au téléphone. Scully lui demanda dans quel hôpital Mulder se trouvait et raccrocha très vite. Elle sauta dans le premier taxi et prit le chemin de l’aéroport. Deux heures plus tard, elle atterrissait à N.Y. Elle s’en voulait de l’avoir laissé fuir, d’avoir respecté son voeux de silence et d’éloignement. Elle avait bien senti l’autre jour au téléphone que quelque chose n’allait pas. Pourvu qu’il ne meurt pas... Sa prière résonnait dans sa tête sur le chemin de l’hôpital. Lorsque enfin elle arriva, on lui indiqua la jeune femme qui accompagnait Mulder. Très brune, très mince, des yeux bleu marine rougis par l’angoisse, elle se leva pour boire un verre d’eau que lui tendait une autre jeune femme, qui paraissait beaucoup plus sereine. Elle savait que c’était elle. - Je m’appelle Dana Scully. Vous m’avez appelé. - Je suis Karen. Merci d’être venu si vite. Il faudrait prévenir sa famille. Vous savez comment la joindre ? - Sa mère est en Europe. Il n’a pas d’autre famille. - Il m’a tant parlé de vous... vous êtes sa famille... Scully regarda attentivement la jeune femme. Elle paraissait effrayée et totalement désemparée. - Je peux le voir ? - Oui, c’est par ici. - A t’il repris connaissance ? - Non... Lorsqu’elle fut près de lui, Dana prit un siège, les jambes coupées par l’ émotion de le voir ainsi. Elle prit sa main et la serra fort, comme les nombreuses fois où il avait été blessé et où il avait besoin d’elle... comme il avait fait pour elle il y a plusieurs années lorsqu’elle même était dans le coma... Les souvenirs affluèrent en masse et les larmes lui vinrent aux yeux. - Bonjour, Mademoiselle. Karen m’a dit que vous étiez très proche de Fox ? - Oui... c’est exact... Comment va t’il ? - Son état est stationnaire... Il faut être patient. Vous savez que lorsqu’ il reprendra connaissance, vous n’aurez pas l’autorisation de le voir... sauf s’il en fait la demande. C’est la procédure habituelle dans les cas de tentative de suicide. - Oui, je suis au courant. Je suis médecin moi même. - Bien. Vous connaissez les raisons qui l’ont poussé à commettre ce geste ? - Oui, enfin en partie. Mais je ne connais pas son état d’esprit actuel. - C’est sa 2ème tentative, n’est-ce-pas ? - Oui, j’étais présente lors de la première. Il n’avait alors fait qu’avaler des cachets. - Donc sa volonté était encore plus forte cette fois ci. - S’il avait réellement voulu se tuer, il aurait choisi une arme à feu. Il était encore il y a quelques mois agent spécial du FBI. Il a un permis. Il aurait très bien pu obtenir une arme. - C’est ce que vous pensez ? - Oui... - Je pense qu’il aura besoin d’une aide psychiatrique s’il s’en sort. Pensez vous qu’il accepte cela ? - Il est diplômé en psychologie lui même. Vous aurez du mal à le persuader. - Vous pouvez m’en dire plus sur lui ? - Avez vous du temps devant vous ? La jeune femme sourit tristement en prononçant ces derniers mots et le médecin l’entraîna dans son bureau. Mulder sortit du coma trois jours plus tard. Le médecin l’informa que Scully était là, ainsi que Karen. Les deux jeunes femmes se relayaient à son chevet. La gorge sèche et douloureuse, il demanda à voir Scully. Lorsqu’ elle arriva près de lui, il ferma les yeux et sentit qu’elle glissait sa main dans la sienne, comme elle l’avait fait si souvent. - Je ne suis même pas capable de réussir cela... - Dieu merci, Mulder. Tu m’as fait une sacrée frousse... Tu en as mis du temps à revenir... Comment te sens tu ? Il leva un peu ses avants bras pour découvrir ses poignets bandés. - J’ai mal... je suis fatigué... Elle caressa affectueusement ses cheveux et lui sourit tendrement. - Je te laisse alors... tu as besoin de te reposer... - Non... non reste là... J’ai besoin de toi... - Alors je reste... je resterai le temps qu’il faudra. Il lui serra la main très fort, et elle vit des larmes dans ses yeux verts, délavés par les épreuves de ces derniers jours. - Je n’en peux plus, Dana... je suis à bout... - Tu vas te reprendre, Mulder... tu vas t’en sortir. Le docteur Sand pense que tu pourrais avoir besoin d’une aide psychologique. Qu’en penses tu ? Il laissa dériver son regard vers la fenêtre et dans ses yeux la détresse était totale. - Qui pourrait m’aider ? - Il y a des gens très compétents pour cela, Fox. Je pense que ça pourrait t ’aider. Il m’a parlé d’un centre réputé non loin de Washington. Tu pourrais y faire un séjour. - Un asile, c’est ça ? Sa voix était désespérée. - Pas un asile, Fox. Un endroit où tu pourras te reposer, réfléchir sur ta vie, faire le point, avec des gens qui t’écouteront. Je crois que c’est la seule solution. J’aurais voulu t’aider... mais manifestement je n’ai pas su t’écouter. Je suis désolée, Mulder. - Tu n’y peux rien... Si tu n’avais pas été là... il y a longtemps que je me serais mis une balle dans la tête... Tu m’as souvent aidé... plus que tu ne le crois... Le docteur Sand arriva quelques instants plus tard et leur sourit. - Est ce que Dana vous a parlé du centre Hartford ? Mulder hocha la tête, la gorge nouée. - Etes vous partant ? - Pourquoi pas... - Avez vous la volonté de vous en sortir ? - Je ne sais pas encore. - Nous en parlerons longuement tout à l’heure. Je reviendrais vous voir. Il quitta la pièce et les laissa seul. - Et Karen ? - J’avais tellement besoin de tendresse. J’ai cru qu’elle pourrait m’ aider... Mais je suis incapable de m’investir dans une relation... Je vais lui faire du mal. Scully ne l’avait jamais vu ainsi, aussi vulnérable, aussi malheureux. Il pleurait maintenant à chaudes larmes, prenant son visage dans ses mains. Elle s’assit sur le lit près de lui et le prit dans ses bras. Elle l’ embrassa tendrement, lui murmurant des mots tendres. Il s’abandonnait complètement, se libérant enfin de la chape d’angoisse qui l’oppressait. Ils restèrent ainsi longuement enlacés. Lorsque enfin il cessa de pleurer, elle le sentit plus calme et un peu moins triste. - Je peux te laisser ? - Oui... je crois que je devrais dire à Karen que je vais partir quelque temps. Tu peux lui dire de passer me voir ? - Oui, bien sûr. Elle quitta la pièce et le laissa seul. Il se sentait vidé. Le docteur Sand passa quelques instants plus tard, et il s’assit près du lit, un bloc note à la main. - On a trouvé dans l’analyse toxicologique de votre sang un taux important d ’amphétamines. Vous prenez ce genre de produits ? Mulder le regarda avec lassitude, mais était décidé à se mettre à nu. - Oui. - Depuis combien de temps ? - Plusieurs mois. - Soyez plus précis. - 10 mois exactement. Je prends aussi beaucoup d’autres choses. - anxiolytiques, psychotropes ? - Oui. - Si vous décidez d’aller à Hartford, il faudra passer par un sevrage. Vous en êtes conscient ? - Oui. Je sais ce que c’est... Je suis déjà passé par là. Plusieurs fois. - Vous avez replongé. Au bout de combien de temps ? - Deux semaines. - Qu’est ce qui vous motive ? - Ca enlève la douleur... ça aide à vivre. Sand repensait à ce que lui avait raconté sa partenaire et sans cautionner son attitude, il compatissait. L’homme brisé qu’il avait devant lui avait effectivement mille raisons d’avoir sombré dans la dépendance médicamenteuse. Il essaya alors de lui faire raconter son histoire, depuis le début. Il se livra sans détour, relatant son enfance heureuse jusqu’à la disparition de sa soeur, la douleur consécutive à ce traumatisme, le divorce de ses parents, sa culpabilité, sa quête enfin... La rencontre avec Scully, ses sentiments complexes envers sa partenaire, sa foi en des convictions qui l’ ont fait être rejeté et incompris, ses doutes enfin, et sa descente aux enfers, petit à petit. Sand noircit plusieurs pages de son carnet et l’écouta avec bienveillance. Il n’était pas sûr finalement qu’un séjour à Hartford lui sera bénéfique, si ce n’est le fait qu’il pourrait tenter de se désintoxiquer sans trop de casse. Son patient était lucide sur son état mental, et analysait ses réactions précisément, comme un professionnel. - Vous pourrez partir à Hartford dès demain, si vous le désirez toujours. Ce sera votre choix. Vous serez libre d’en partir à tout moment. Ce n’est pas un internement. - Je comprends, oui. Je ne suis pas complètement barge. - Non... vous n’êtes pas un danger pour la société... mais pour vous même. Je vais transmettre votre dossier au Docteur Claire Lester. Elle s’occupera de vous à votre arrivée. Bon chance, Fox. Mulder le remercia d’un sourire las et s’allongea sur son lit. Ses poignets le faisaient souffrir et il avala les deux cachets que l’infirmière lui avait laissé sur la table de chevet. Il ne ressentait pas encore le manque, mais il savait que ça n’allait pas tarder à se manifester. Mais encore sous le choc physique de sa tentative de suicide, il n’avait pas de symptôme. Il s’endormit quelques instants plus tard, épuisé. Karen prit une grande inspiration avant de rentrer dans la chambre et poussa la porte. Fox dormait toujours, allongé sur le côté. Sa respiration était régulière, il paraissait profondément assoupi. Elle le regarda longuement, essayant de faire le point sur les sentiments qu’elle éprouvait pour lui. Il était si différent de tous les hommes qu’elle avait pu rencontrer, si sensible et pourtant si homme... Il ouvrit les yeux et lui fit un petit sourire triste. - Karen... - Comment tu te sens ? - Ca va un peu mieux... ça fait encore un peu mal. Je voulais te dire... pardon de t’avoir entraîné dans cette histoire... je suis désolé. Tu ne mérites pas ça... mais ce n’est pas ta faute. Ne te sens pas coupable. - Tu aurais dû me parler, Fox... je t’aime tu sais. - Je sais, Karen... Tu comptes aussi pour moi, mais je ne suis pas sûr d’ être prêt à aimer vraiment, tu comprends... je suis trop mal dans ma tête. Nous deux, ça été une jolie parenthèse... mais il faut me laisser un peu de temps... - Tu vas partir, c’est ça ? - Oui... - Tu sais où tu vas ? - Oui... - Je pourrais t’appeler ? - Je t’appellerai quand j’irais mieux, d’accord ? - D’accord. Ils se regardèrent un long moment puis Fox lui prit la main et l’attira contre elle. Ils échangèrent un long baiser, puis elle se leva, des larmes dans les yeux ,l’embrassa sur le front, et quitta rapidement la pièce. Elle savait qu’elle ne le reverrait jamais. Le lendemain matin, Scully passa le prendre et ils allèrent chercher quelques affaires dans son appartement. La salle de bains avait été nettoyée et rangée. Mulder était silencieux et le visage fermé, il prépara son sac de voyage, glissant la photo de Samantha sur ses affaires. Le trajet se déroula en silence, et Scully respecta le mutisme de son partenaire. Elle était encore sous le choc des paroles du docteur Sand, qui lui avait révélé la toxicomanie médicamenteuse de Mulder après qu’il lui ait donné son accord. Comment avait elle pu être aussi stupide ? En tant que médecin, elle aurait dû repéré les signes d’alarme chez ce garçon qu’elle connaissait si bien. Mais justement, elle le connaissait peut être trop bien... Ils arrivèrent deux heures plus tard au Centre Hartford. C’était un beau bâtiment, entouré d’un parc magnifique. Ils prirent contact rapidement avec Claire Lester. Elle expliqua d’une voix douce mais ferme les règles de vie dans l’établissement. Fox ne pourrait pas avoir de visite durant les quinze premiers jours de son séjour, ni recevoir d’appel, ni même en donner, pour se concentrer sur son objectif premier, le sevrage. La gorge un peu serrée, il découvrit sa chambre, simplement meublée d’un lit, d’une armoire et d’un petit bureau. Il installa ses quelques affaires et sortit la photo de sa soeur. - Ca va aller ? Il ne répondit pas, se contentant de hocher la tête. Il n’avait imaginé qu’ il aurait pu un jour se retrouver dans ce genre d’endroit. Mais c’était peut être sa seule chance de reprendre le cours de sa vie. - Je crois qu’il faut que tu t’en ailles maintenant, Scully. Merci de m’ avoir accompagné. - Je viendrais te voir dans deux semaines, d’accord ? - Oui. Prends soin de mon poisson rouge... Ils se sourirent mélancoliquement, puis elle le serra très fort dans ses bras. - A bientôt Mulder. Elle quitta la pièce sans se retourner, le coeur déchiré. Les jours qui suivirent son arrivée furent très durs. Le sevrage lui provoqua un ensemble de troubles très difficiles à vivre, des tremblements, des douleurs musculaires violentes. Les crises d’anxiété et des cauchemars terribles apparurent le 2ème jour, suivis d’une apathie, d’une extrême fatigue et d’une perte d’appétit et du sommeil. Ce stade dura plusieurs jours où il resta enfermé dans sa chambre, gisant par terre ou sur son lit, terrassé par les crises qui se succédaient, apportant leur lot de sueurs. Le docteur Lester lui apporta un soutien discret mais efficace, l’obligeant à boire pour éviter qu’il ne se déshydrate trop, le soutenant lorsque les nausées étaient trop brutales. Il n’avait aucune agressivité envers elle ou envers lui même. Il arrivait à comprendre dans cet enfer qu’il travaillait pour lui, que c’était le passage obligé vers un nouvel horizon, la fin de la dépendance. Près d’une semaine après son arrivée au centre, il sortit enfin de sa chambre, amaigri, le visage marqué par la fatigue. Il consentit à s’intégrer à une thérapie de groupes, comprenant une dizaine de personnes, hommes et femmes, chacun avec des problèmes différents, des situations émotionnelles compliquées. Il se rendit compte progressivement qu’il n’était pas seul à souffrir, que toutes ses âmes perdues étaient semblables à lui même. Les quinze jours passèrent, et Scully arriva comme prévu. Après un entretien avec le docteur Lester, elle l’attendit dans le parc. Lorsqu’elle le vit, elle ne put s’empècher de verser une larme. Il était simplement vêtu d’un tee shirt bleu qui flottait autour de son torse amaigri et d’un jean. Ébloui, comme s’il n’avait pas vu le jour depuis longtemps, il se frotta les yeux et marcha lentement vers elle. A son approche, elle se leva et lui sourit à travers ses larmes. Il tomba dans ses bras, la serrant contre son coeur. - C’est bon de te voir, Dana... Jamais il ne l’appelait par son prénom. Elle respira sa peau, retrouvant la douceur de ses bras. Ils restèrent ainsi longtemps l’un contre l’autre , puis se regardèrent et se sourirent. Elle l’entraîna dans l’allée et ils marchèrent en silence. Leurs mains restaient unies. Claire Lester les regardait de la fenêtre de son bureau. Elle avait du mal à croire que ces deux là ne s’aimaient pas. Elle reprit le dossier de Mulder et relut ses notes. “ Fox Mulder est un être profondément blessé par la vie, qui n’a jamais pu exorciser le traumatisme de la disparition tragique de sa soeur. Il a un fort sentiment de culpabilité (syndrome du survivant). Il a peur de la solitude et paradoxalement il la recherche. C’est un être idéaliste, animé par de fortes convictions personnelles qui ont été ébranlées récemment (11 mois) par la découverte d’un potentiel meurtrier de sa soeur Samantha. Cette découverte l’a si fortement perturbé qu’il a cherché à l’occulter par la prise de drogues. Il était un sujet à risques (prise régulière et prolongée d’anxiolytiques). Sa partenaire le décrit comme supérieurement intelligent, intuitif, impulsif, vulnérable.” Fox et Dana étaient maintenant assis sur un petit mur, les jambes pendantes. - Comment vas tu ? Ca a été dur, n’est ce pas ? - Je commence juste à refaire surface... oui, ça a été dur. Plus dur que la première fois... Tu te souviens, lorsque tu es partie une semaine en vacances, il y a quelques mois. Au retour, tu as dû me trouver bizarre, non ? - Oui, c’est vrai. Tu étais différent. J’ai mis ça sur le compte de la fatigue. Tu avais déjà essayé d’arrêter ? - Oui... J’ai fait ça tout seul, chez moi. Mais j’étais moins dépendant... J ’ai replongé 15 jours plus tard. - Je me sens terriblement coupable... pourquoi tu ne m’en as jamais parlé ? - J’avais peur de te décevoir, sans doute. Et de me faire engueuler !! - Pourquoi as tu commencé ? - Tu sais, après qu’on ait découvert de John Lee Roche était le meurtrier de toutes ces fillettes, après toutes les détails qu’il m’a donné... ce morceau de tissu... j’étais bouleversé... Je n’ai pas pu faire face... J’ai pensé que ça m’aiderait à continuer à vivre. J’ai pensé au suicide à ce moment là aussi. En fait ça n’a fait que retarder le moment où... Il s’arrêta un moment, prenant sa tête entre ses mains. Sa voix était rauque. - Que va t’il se passer maintenant ? Qu’est ce qui va me pousser à avancer ? - Moi j’espère... un peu. J’ai besoin de toi, Fox. Tu le sais... tu sais ce que j’éprouve pour toi. Et puis tu as ton travail... Skinner te soutient toujours, tu sais. Il n’a pas accepté ta démission. Il a arrangé le coup avec la direction, tu es en “congé” , tu vois ce que je veux dire ? Tu as toujours ta place au FBI. - Peut être. Mais je ne sais pas encore si je suis prêt. Si je suis capable de reprendre le boulot... - Donne toi encore un peu de temps. Ce médecin, Lester. Elle a l’air vraiment bien. Tu as commencé à travailler avec elle ? - Oui... Elle m’aide à comprendre ce qui m’a poussé à commettre ces gestes. Elle essaye de me conduire vers le travail de deuil que j’aurais du accomplir depuis des années. J’ai toujours refusé de faire le deuil de Samantha... C’est sans doute ce qui va me sauver maintenant. - C’est incroyable que tu réagisses comme ça... après si peu de temps ici... Je suis fière de toi. Elle le serra dans ses bras, et il la retint un long moment contre elle. Il se sentait si bien avec elle, en symbiose... Il se sentait coupable de l’ avoir repoussé, mais il était sûr qu’elle avait compris... Ils se quittèrent plusieurs heures plus tard, elle le quitta rassuré sur son état d’esprit et sa lucidité, et la certitude qu’il pourrait bientôt reprendre le cours de sa vie. Quinze jours se passèrent encore, le travail avec Lester était constructif mais difficile, il apprenait à se défaire de ses angoisses, à essuyer de se reconstruire autrement. Cela prendrait sans doute plusieurs années, mais les fondations se mettaient en place. Scully avait programmé sa visite au centre et elle arriva le samedi matin. Elle comptait emmener Mulder pour une journée hors du Centre, avec la permission de Lester. Elle se présenta à son bureau et discuta un long moment avec le médecin psychiatre. Elle sortit de son bureau avec le sourire. En arrivant devant la chambre de Mulder, elle était toujours souriante, heureuse de le retrouver. Frappant une première fois, puis une deuxième, elle finit par pousser la porte, n’obtenant pas de réponse. La chambre était plongée dans la pénombre, les volets étaient fermés. Elle alluma la lumière et vit Mulder, allongé dans son lit. En s’ approchant, elle s’aperçut que son front et ses cheveux étaient trempés de sueur. Sa respiration semblait difficile. Elle posa sa main sur lui et il s’éveilla, les yeux fiévreux. - Scully... Quelle heure est-il ? - Il est plus de dix heures... Ca ne va pas ? - Non... je crois que j’ai de la fièvre... j’ai du mal à respirer... - Tu es brûlant. Depuis quand es-tu ainsi ? - Ca m’a pris cette nuit. - Je vais chercher de quoi t’examiner. Reste tranquille. - Je n’ai pas l’intention de bouger. Il trouva la force de plaisanter. Scully fonça à l’infirmerie du centre, informant au passage à Lester que Mulder était malade. Elle prit un stéthoscope et de l’aspirine, puis retourna dans la chambre. Elle lui fit ôter son tee shirt trempé et l’ausculta soigneusement. Elle fronça les sourcils. - Alors ? - Je crois que je devrais t’emmener à l’hôpital passer une radio, Mulder. Tu as sans doute un foyer pulmonaire. Et compte tenu de tes antécédents, je préfère ne pas prendre de risques. Tu peux te lever ? - Oui... Elle l’aida à se redresser et à enfiler ses affaires puis ils sortirent ensemble dans le couloir. - Je vais prévenir Lester et chercher la voiture. Reste là. Je fais vite. Il s’assit lourdement sur un des fauteuils à la réception. Scully revint quelques minutes plus tard et ils partirent rapidement pour l’ hôpital. Elle le regarda avec inquiétude. Il grelottait malgré les deux pulls qu’il avait enfilé à la hâte. Le trajet leur parut long à tous les deux , mais ils arrivèrent finalement quelques dizaines de minute plus tard. Mulder fut pris en charge par les médecins des urgences. Il passa rapidement une radio pulmonaire, qui révéla une importante pneumopathie droite avec réaction pleurale. Devant son dossier médical chargé, les antécédents de blessure par balle, il fut hospitalisé pour permettre une antibiothérapie par voie intraveineuse. Très fatigué, il dormit presque 12 heures d’affilée après qu’on l’ait installé dans sa chambre. La fièvre mit presque trois jours pour tomber. Il était très abattu, maudissant le sort qui s’acharnait sur lui. - Mulder ? Une voix familière le tira de son sommeil. Il sourit en reconnaissant Frohyke, Byers et Langly, ses trois fidèles amis, complices de toutes ses folies. Il se redressa un peu sur son lit, se frottant les yeux. - C’est Scully qui vous a mis au courant, n’est-ce-pas ? C’est gentil de venir me voir. - Comment vas tu , mon vieux ? - Ca va un peu mieux, mais j’ai passé un sale moment. Je déteste les hôpitaux. - Pourtant j’ai vu une infirmière tout à fait charmante... - Arrête de fantasmer Frohyke. Elles ne sont efficaces que pour te piquer et de faire souffrir... - Tu ne vas pas me dire qu’elles ne te cajolent pas un peu !! La bonne humeur de ses amis lui fit chaud au coeur. Il ne les avait pas vu depuis longtemps, depuis son enlèvement en fait. Il vit le regard de Frohyke se poser rapidement sur les cicatrices de ses poignets et instinctivement, rentra ses mains sous le drap. Byers et Langly sortirent quelques instants prendre un café, et il resta seul avec son ami. - Scully m’a parlé de ce qui s’est passé, Fox. Tu n’as pas avoir honte... - Je n’ai pas honte. C’est simplement difficile d’en parler. - Tu vas mieux maintenant ? - Je ne sais pas... j’en ai l’impression... J’aimerais pouvoir rentrer chez moi, à Washington. Sa voix était grave, comme son regard. - En as tu parlé à Scully ? - Non, pas encore... Elle va sans doute penser que c’est un peu tôt... Qu’ est ce qu’elle t’a dit ? - Que tu allais beaucoup mieux. Que ton travail avec la psychiatre t’aidait beaucoup. - C’est vrai. Elle a mis le doigt sur plein de choses... Des choses que je ne pensais pas pouvoir exprimer... ça m’a libéré. Maintenant le plus dur, c’ est trouver une autre forme de motivation... Mais Scully est là, et puis vous êtes là vous aussi... C’est dans des moments comme cela qu’on apprécie les amis... - On sera toujours là, Mulder. Tu sais que tu peux compter sur nous. Tu sais aussi que Skinner t’attend avec impatience. - Oui, Scully m’a dit qu’il avait caché ma véritable situation... C’est vraiment un type bien. - Quand sors tu ? - Je ne sais pas encore... Lorsque j’aurais repris un peu de forces... Je suis crevé, tu sais... C’est pour cela que j’ai attrapé une saloperie. Ca n’ a pas été facile ces derniers mois... je le ressens maintenant... Il va me falloir du temps pour vraiment récupérer. Et puis j’ai pas mal décollé... - Oui, tu as sacrement maigri. Reviens à Washington, je te ferais des petits plats... - Ca, je ne l’oublierais pas ! Ils étaient heureux de se retrouver, très complices. Mulder avait toujours un contact plus facile avec Frohyke qu’avec les deux autres. Langly et Byers revinrent de la cafétéria et ils reprirent une conversation moins intime. Puis les trois compères le laissèrent enfin, et Mulder les regarda partir avec envie. Trois jours plus tard, il sortait de l’hôpital , et Scully le reconduisit à Hartford. Il était bien décidé à quitter le centre et Lester, sans l’encourager vraiment, le laissa partir en lui conseillant un confrère. Ils prirent ses quelques affaires et ils rentrèrent à Washington. Il retrouva son appartement tel qu’il l’avait laissé, mais décida de faire table rase de ses anciennes habitudes. Avec l’aide de son amie, il débarrassa la chambre de tous les cartons et dossiers accumulés là depuis des années, nettoya la pièce et fit livrer quelques meubles pour qu’enfin la chambre retrouve sa vocation première. Finies les nuits passées dans le canapé du salon, devant la télé, en attendant que le sommeil le terrasse. Il était décidé à essayer de dormir plus régulièrement, et si possible sans somnifère. Actuellement, il était si épuisé que la tache ne lui semblait pas insurmontable. Il essaya d’ailleurs très rapidement son nouveau lit pour une sieste pendant que Scully lui faisait quelques courses. Lorsqu’elle revint, elle avait les bras chargés de sacs. Elle lui avait fait des provisions pour plusieurs jours, bien décidée à lui faire reprendre le poids qu’il avait perdu. Elle poussa la porte de la chambre et le trouva endormi paisiblement. Elle referma doucement la porte, réprimant l’envie d’ aller s’allonger près de lui. Il la retrouva dans la cuisine, occupée à préparer à dîner. Elle sourit quand elle le vit dans l’entrebâillement de la porte, les yeux ébouriffés. - Hum...ça sent bon... qu’est ce que tu nous prépare ?? - Un gratin d’aubergines.. c’est ma spécialité. Tu as faim ? - Oui... Scully ? - Oui... - Merci... Merci pour tout ce que tu fais pour moi... Il le regardait, la tête un peu penchée, ses yeux verts comme illuminés de l ’intérieur. - Je ne ferais ça pour aucune personne au monde, Fox... - Je sais... Viens là... Il l’attira dans ses bras. Elle ne put faire taire le sentiment qui l’ habitait. - Je t’aime, Mulder... Je t’aime. - Je t’aime aussi... Donne moi simplement un peu de temps pour assimiler tout ça... Je ne suis pas encore capable de t’aimer comme tu le voudrais... - Je le sais... je le sais, Mulder. Prends ton temps... Il prit son visage entre ses mains et lui déposa un baiser léger sur les lèvres. Scully ferma les yeux, gouttant le bonheur de ses lèvres sensuelles. Puis sa bouche se fit plus précise et ils échangèrent un long baiser. Puis ils se blottirent l’un contre l’autre, appréciant le contact de leur corps. Il n’était pas encore prêt à aller plus loin et Scully le savait parfaitement. Troublés, ils se séparèrent enfin. Scully le quitta peu après le déjeuner, rassurée sur l’état de santé de son ami, confiante quant à ses capacités à rebondir. Peu à peu, il reprenait une vie normale, retrouvant une certaine curiosité, un appétit de savoir. Il s’ était inscrit à la bibliothèque d’Alexandria et y passait de longues heures, découvrant avec stupeur qu’il s’était laissé enfermé par ses passions, et qu ’il s’était progressivement détaché de tout autre sujet. L’archéologie, l’ astronomie... il voulait tout savoir, tout comprendre. Il courait tous les jours dans le parc voisin, quelques minutes les premiers jours, puis chaque jour un peu plus et son corps se redessinait lentement, ses muscles fins réapparaissaient sous son tee shirt. Il retrouvait une vigueur, un bien être qu’il avait depuis longtemps oublié. Le confrère que lui avait recommandé Lester le recevait deux fois par semaine, l’écoutant avec attention dénouer les fils de sa vie. Les séances le faisaient souffrir, mais il en ressentait pourtant le besoin. Le soir était encore le moment où il se sentait le moins bien. Les démons ressurgissaient, et il devait résister à l’envie de courir à la pharmacie la plus proche pour acheter des somnifères. Mais à force de volonté, il arrivait à résister, n’hésitant pas à appeler ses amis à l’aide, Scully, ou Frohyke, qui passaient de longs moments avec lui pour faire taire ses angoisses. Skinner lui rendit visite un jour, à l’improviste. Il était sorti du Centre depuis plusieurs semaines mais ne se sentait pas encore la force d’affronter le bureau. Il sortait de l’ascenseur, dégoulinant de sueur après son jogging matinal, et marqua un temps d’arrêt en le voyant devant sa porte. Puis il marcha vers lui. - Bonjour, Mulder. Vous avez l’air en forme. Il l’observa avec attention. Très mince, le visage et les bras hâlés par le soleil de juin, les cheveux un peu plus long que d’habitude, il était loin du garçon blafard qu’il avait découvert ce soir là avec Scully. - Entrez, je vous en prie. Je vous abandonne juste le temps de prendre une douche. Asseyez vous, servez vous à boire si vous voulez. Il y a ce qu’il faut dans le frigo. Surpris par l’étonnante gaieté du plus fantasque de ses agents , il sourit et obtempéra, se versant un grand verre de jus de fruit. En s’asseyant sur le canapé, il remarqua les changements subtils mais visibles dans l’ appartement de Mulder. La clarté, la plante verte, les disques qui trônaient sur une platine laser visiblement toute neuve, les magazines de toutes sortes, le frigo rempli de produits frais... Scully lui avait donc dit la vérité. Mulder semblait avoir oublié sa légendaire austérité pour enfin profiter de la vie. Il sortit de la douche et passa rapidement un jean et un tee shirt. Skinner était installé dans le canapé, lisant la revue d’archéologie qu’il avait laissé sur la table basse. - Ca me fait plaisir de vous voir ainsi, Mulder. - C’est gentil de me rendre visite. Je comptais venir vous voir très prochainement... Vous m’avez devancé. Je tenais surtout à vous remercier de ce que vous avez fait pour moi... Scully m’a expliqué. - Je crois en vous, Mulder, c’est la raison de ce geste. Comment est ce que ça va ? - Bien... Je reprends des forces chaque jour... morales, et physiques. J’ étais tombé très bas. Sa voix était devenue rauque. - Oui, je sais. Scully me tenait au courant. Vous voyez toujours ce thérapeute ? - Oui... Il m’aide à comprendre les raisons de mon comportement destructeur. Il dit que je progresse beaucoup... - Vous sentez vous en état de travailler à nouveau avec nous ? - Nous ? - Oui, Scully et moi. On m’a nommé à la tête d’une nouvelle section. J’ aimerais beaucoup vous veniez nous rejoindre. J’ai besoin de vous, de vos capacités. Je n’ai d’ailleurs accepté ce poste qu’avec l’espoir que vous nous rejoigniez. - Vraiment ? - Oui, Mulder. Vous savez combien j’apprécie votre perspicacité, votre côté intuitif. Des qualités qui vous seront précieuses si vous décidez de revenir. - J’aurais du mal à refuser une telle proposition ... Je commence quand ? - Dès vous vous sentirez suffisamment fort... - Je suis prêt. En fait, je crois que je n’attendais que cela. Merci de m’ avoir attendu. - Il n’y a pas de quoi, Mulder. Vous êtes le meilleur homme que j’ai jamais eu auprès de moi. Ils se regardèrent, sachant très bien l’un l’autre qu’il y avait plus entre eux qu’une simple estime, mais une véritable amitié, masquée par la hiérarchie. - Vous avez déjeuné ? - Non... - Alors mettez la table. Scully me fait des provisions pour un régiment. Vous allez m’aider à vider le frigo. Ils s’attablèrent quelques minutes plus tard, comme deux amis. Skinner lui vanta les mérites de son nouveau poste. - C’est une innovation, Mulder. Les dirigeants se rendent compte du potentiel formidable que peut représenter les profilers. Nous travaillerons dans tout le pays. - Ca me convient parfaitement... Mais Scully ? - Elle est partante... si vous l’êtes aussi. J’avoue que je n’arrive pas bien à comprendre ce qui se passe entre vous... Vous allez me dire que ça ne me regarde pas, mais... Avec un sourire malicieux, Mulder lui répondit d’une voix amusée. - Ca ne vous regarde pas... - Bon, je n’insiste pas. Ils finirent de déjeuner en discutant du nouveau service, puis Skinner le quitta. - A très bientôt, Fox. Dès vous serez prêt. Mulder se donna encore quelques jours, puis se présenta un matin devant le bâtiment du FBI. Il prit une grande inspiration, puis entra, désormais conscient qu’il tournait la page sur 5 ans de sa vie. Sans un regard pour son ancien bureau, il se présenta chez Skinner. Dana était là, et lorsqu’ elle le vit franchir la porte du bureau, elle lui adressa un magnifique sourire. - Bienvenue, Mulder. Fin Je VEUX des feed back, please... Dites moi la VERITE !!!