Titre : Juste une éclipse du coeur Auteur : Cécile Laumonier Ecrit le 12 août 1999 Avertissements : G Catégorie : V Spoilers : aucun Mots Clés : Eclipse, Emotion Résumé : Mulder et Scully assistent, en pleine campagne, à une éclipse totale du soleil et Mulder a quelque chose en tête... Disclaimer et copyright: Les personnages et l'histoire développée dans la série X-Files sont la propriété exclusive de Chris Carter et Ten Thirteen Productions. L'éclipse totale du soleil du 11 août 1999 est ma propriété exclusive. C'est pas vrai? Peu importe, laissez moi y croire! ;-) Archivage : Désolée mais celle-ci restera l'exclusivité d'Aux frontières du sens et du site de Lilian. C'est ma façon de remercier Lilian pour ses superbes analyses. Vous pouvez cependant parfaitement établir un lien direct vers cette page à partir de votre site. Merci! Il ne faisait pas très chaud. Il n'y avait pas âme qui vive. Le vent commençait à se lever, soulevant ça et là quelques poussières terreuses et Dana Scully continuait à se demander ce qu'elle faisait là. Certes, elle avait connu des endroits moins recommandables, et de loin, mais ce n'était décidément pas ainsi qu'elle pensait un jour découvrir l'Europe. En soupirant, elle se pencha pour se débarrasser des teignes qui s'étaient agrippées au bas de son pantalon puis se releva et se dirigea vers Mulder qui arpentait un champ de betteraves, les yeux tournés vers le ciel. S'arrêtant à quelques centimètres de lui, elle demanda, sur un ton agacé: "Avoue le, Mulder, cette histoire de secte apocalyptique que nous devions surveiller n'était qu'une excuse! Nous sommes ici depuis deux heures et nous n'avons pas vu l'ombre d'une aube noire. D'ailleurs, nous n'avons même pas vu d'être vivant animal depuis cette ... comment tu dis, déjà? Ah oui, "charmante petite taupe..." Elle s'approcha encore un peu plus de son partenaire et le fixa des yeux : "Mulder... Que faisons-nous ici?" L'agent Mulder ne se laissa pas intimider par ce regard pénétrant qui le scrutait sans ménagement. Il répéta ce qu'il n'avait cessé de dire et redire à sa collègue depuis bientôt trois jours : "Nous sommes là pour tenter d'empêcher un suicide collectif de grande envergure qui pourrait déstabiliser l'Europe et, par voie de conséquence, toutes les puissances occidentales." Scully soupira, se pencha à nouveau pour retirer une nouvelle teigne et, se relevant, lança :" Bien sûr... C'est ça... Je te préviens, Mulder, la prochaine fois que tu me fais ce coup- là, que tu me conduis en rase campagne pour je ne sais quoi, tu auras intérêt à surveiller de très près la voiture parce que tu risques fort de tenir compagnie à ta charmante petite taupe pendant un certain temps!" Mulder étouffa un rire et tourna son regard vers le ciel, légèrement voilé. Scully, de plus en plus exaspérée ne put s'empêcher de demander : "Allons bon, qu'est-ce que tu regardes maintenant? Tu attends un atterrissage de soucoupe?" Mulder souriant et sortant de sa poche deux paires de lunettes de carton spéciales éclipse, en tendit une paire à sa collègue :" Ne me dis pas que, toi, la grande scientifique, tu n'as pas hâte d'assister à la dernière éclipse totale du soleil! Allons!" Scully saisit la paire que lui tendait son collègue, la chaussa et maugréa tout en scrutant l'astre solaire que commençait à manger un léger croissant de lune :" Je savais bien qu'il y avait une explication à toute cette triste comédie rurale... Mulder, une éclipse n'a rien d'exceptionnel. La Lune qui vient s'interposer entre le Soleil et la Terre, c'est on ne peut plus naturel et j'espère que tu n'attends rien de paranormal de cet instant car tu risques fort d'être très déçu." Mulder, feignant d'être profondément blessé par la remarque de Scully, répondit :"Scully, Scully, Scully... Ne pourrais-tu pas, pour une fois, mettre de côté tes connaissance pour apprécier la magie de l'instant?" Scully, soupirant, s'adossa à la voiture de location qui les avait conduits en cet endroit perdu et conclut : "D'accord, puisqu'on est là, autant en profiter. Mais c'est toi qui remplira tous mes dossiers en souffrance à Washington..." Les minutes passèrent. Mulder était absorbé par la contemplation de ce soleil qui disparaissait petit à petit, laissant place à cette ombre imposante de la lune, si petite en réalité, mais omnipotente pour quelques heures. Scully commençait à sérieusement s'ennuyer. Elle finit par quitter sa position plus ou moins confortable pour rejoindre Mulder, juché sur un petit monticule de terre surplombant les champs alentour. En arrivant, elle se plaignit : "Il fait un froid de canard maintenant. Nous aurions dû prendre une veste. Tu vois, si tu m'avais dit ce que nous venions vraiment faire ici, j'aurais pris mes précautions." Mulder abandonna sa contemplation des deux astres pour se tourner vers sa collègue : elle ne plaisantait pas, elle avait vraiment froid. Au fil des années, il avait appris à décoder le comportement de son amie et, cette fois, la teinte que prenaient ses joues ne lui inspirait rien de bon. Il se maudit un instant de n'avoir effectivement pas pensé à emporter des vêtements chauds pour regarder confortablement l'éclipse. Il s'excusa tout en ôtant la veste de son costume et la lui mit doucement autour des épaules : "Tu as raison. Je ne pensais pas que la température chuterait autant." Scully accepta le vêtement sans un mot mais, cachant un frisson qui lui parcourut l'échine, elle ajouta finalement:" Il doit faire à peine quatorze degrés maintenant. Nous avons dû perdre au moins cinq degrés. J'avoue que c'est une expérience étonnante de frissonner de froid en plein midi, au mois d'août." Mulder sourit :" Tu vois que tu commences à apprécier!" Scully s'efforça de ne pas lui donner raison et, serrant la veste de Mulder contre elle, elle conclut :" On en reparlera quand je serai guérie du superbe rhume que je vais attraper, Mulder." Mulder, en souriant, reprit l'observation de l'éclipse. L'air rêveur, il demanda à Scully qui avait elle aussi remis ses lunettes en place : "Scully?" "Oui" " Est-ce que tu sais comment certains anciens interprétaient les éclipses totales de soleil?" Scully chercha un instant dans sa mémoire mais dût s'avouer vaincue : elle en connaissait plus sur les périhélies, les occultations annulaires que sur les croyances liées aux éclipses. Sur ce plan, de toute façon, elle savait que son partenaire serait une fois encore imbattable. "Non, dis moi." Mulder prit une profonde respiration avant de répondre et Scully trouva une fois encore qu'il en faisait trop et que cela l'agaçait toujours autant. "Et bien, Scully, certaines civilisations pensaient que l'éclipse était une sorte de mariage entre deux divinités, celle de la Lune et celle du Soleil. L'union sacrée marquée par le sceau de l'anneau solaire lors de la totalité. Qui sait? Peut-être l'anneau de nos mariages est-il né de cette croyance?" Scully ne pût s'empêcher de trouver la démonstration de Mulder assez convaincante, mais, comme à son habitude, répliqua :" Oui, c'est possible, mais je ne vois pas vraiment ce qui a pu donner naissance à cette croyance. Après tout, l'anneau symbole du mariage est bien éphémère dans le phénomène des éclipses." Elle ajouta en riant :" Ce qui pourrait expliquer tous ces divorces..." Curieusement, elle se rendit compte que Mulder ne riait pas. Elle le trouva bien sérieux, tout à coup. Levant son regard vers le ciel, elle vit la Lune entamer le dernier quart de son trajet vers l'obscurité totale puis regarda à nouveau son partenaire. Il semblait incroyablement sérieux et en même temps baigné de douceur. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle ne comprenait pas ce qui se passait en lui et cela la fit un peu souffrir. Mulder se rapprocha un peu d'elle et, sans ôter ses lunettes, dans le noir le plus complet pour lui, il passa son bras autour de son épaule pour guider son regard vers le ciel : "Regarde Scully! Regarde comme le soleil s'abandonne sans se battre à l'obscurité. On le croyait si fort, si imperturbable et que lui arrive t'il? Il s'efface devant un tout petit rien, une petite bille de terre lancée dans l'espace. Un petit morceau de notre planète qui vient l'occulter effrontément. Que c'est beau, Scully! Ne serait-ce pas comme l'amitié? On y tient tant. Elle nous est tellement vitale, essentielle, que l'on pense qu'elle nous éclairera toujours. Et puis vient un jour un petit rien, un grain de sable et l'amitié s'efface." Scully ne trouva rien à dire, elle écoutait en regardant le soleil mourir devant ses yeux. Mulder, la serrant un peu plus fort contre elle, continua:" Regarde, Scully, ce soleil qui disparaît, c'est comme perdre un ami." Ils restèrent tous deux silencieux alors que la lune finissait d'occulter l'astre lumineux. Déjà, le soleil n'était plus qu'un petit grain de lumière, minuscule et tellement brillant encore. Mulder avait le souffle un peu coupé par le spectacle qui s'offrait à eux. Il se surprit à frissonner et à ressentir une certaine peur, comme si le soleil était vraiment en train de mourir et qu'il ne reverrait plus jamais sa lueur dans le ciel. L'instant était terrible, magnifique, oppressant, splendide et incroyable. Scully retint son souffle. Ses mains étaient gelées mais elle n'eut pas le temps de s'en rendre compte que déjà les longs doigts de Mulder venaient les frictionner doucement pour les réchauffer. Il continua, sa voix n'étant plus qu'un murmure respectueux :" Regarde, le soleil n'est plus qu'un grain. C'est l'amitié qui meurt, Scully, et on n'y peut rien. On se croit tout puissant parfois mais là, on n'est rien et c'est la fin." Scully ne put retenir son émerveillement :" Mulder! Que c'est beau! " Le minuscule grain de Bailly venait de se répandre autour de la Lune, formant un anneau à la clarté faible et pourtant si puissante. Le spectacle était magnifique. Mulder et Scully s'immobilisèrent, sous le charme de cet instant prégnant, qu'il savait ne jamais pouvoir revivre un jour, et tous deux songèrent un instant qu'ils étaient bien heureux de le vivre ensemble. La totalité dura deux minutes mais ce fut comme si cet merveilleux instant n'emplit que quelques secondes de leur vie, mais quelles secondes! Ils avaient froid, très froid, mais l'oublièrent subitement. Autour d'eux, la nature s'était tue, les champs semblaient figés, le vent qui s'était levé avec le début de l'éclipse s'était éteint, comme par magie. C'était comme une fin du monde et Mulder et Scully le ressentirent un peu ainsi. La lumière était surnaturelle, nullement comparable à celle du crépuscule ou de l'aurore. Pas même semblable à celle, déjà si belle, de l'orage qui s'achève. Non, c'était une lumière jamais vécue, intense, sombre, sourde. A l'horizon, on ne pouvait le croire : les nuages avaient revêtu un habit d'or et on devinait les contrées encore éclairées par l'astre du jour. Derrière soi, aussi loin, les terres qui, déjà, retrouvaient la chaleur des rayons ardents. Et ce bleu du ciel, ni bleu nuit, ni rose du couchant mais mélange incroyable de mauve sombre et d'azur! Mulder commenta : "Mais le soleil ne meurt pas, il devient cet anneau magnifique, cette auréole de feu. C'est l'union sacrée du Soleil et de la Lune, le grand mariage!" Disant cela, il glissa soudain un anneau doré entre les mains de Scully, l'aidant à refermer ses doigts autour du bijou. "Le grand mariage..."A peine le temps de saisir toutes les merveilles de ce spectacle que déjà, le soleil renaissait, à nouveau minuscule grain à peine visible puis bientôt cet autre cil de l'espace qui enflait et enflait encore, arme céleste à présent, comme tout à l'heure, mais dirigée vers l'ailleurs, amie maintenant. Mulder, en souriant, serra tendrement Scully contre lui : "Mais le grand moment, l'union par l'alliance, n'est qu'un instant, unique mais éphémère. Déjà, le soleil renaît. C'est notre astre, le seul et l'unique, comme avant. Rien n'a changé et pourtant si. Est-ce l'amitié qui renaît? Non, plus rien ne sera comme avant. Quelque chose d'autre est né, quelque chose de tendre, de puissant, de différent ... " Alors que le croissant de soleil grandissait, que la température retrouvait sa douceur, que les oiseaux se remettaient à chanter, fêtant le retour de l'astre solaire, Scully ôta ses lunettes mais ne chercha pas à briser leur étreinte. Elle tourna son visage vers Mulder, soudain devenu bien silencieux. Emue plus qu'elle ne voulait l'avouer, elle le regarda sans rien dire un instant puis, jouant avec l'anneau d'or qui glissait entre ses doigts, elle demanda : " Mulder?" Son partenaire ôta ses lunettes et cligna des yeux, comme s'il était ébloui en la regardant. "Oui, mon rayon de soleil?" En souriant, Scully continua : "Est-ce que tu n'essaierais pas de me dire quelque chose?" Et c'est un sourire qui lui répondit.