Titre : L'enlèvement Valérie valeriec@free.fr Résumé : Un hold up tourne mal et deux agents du FBI que l'on connaît bien se font tirer dessus ... Avertissement : les personnages crées par Chris Carter sont son entière propriété. ________________________________________________________________________________ - Nom de Dieu, Matt, grouille toi. On va finir par avoir de la visite. - Merde j’ai presque fini. Donne moi encore un peu de temps ! - On va avoir les flics au cul d’ici peu de temps. Je vais dehors ! Matt respira un grand coup et se concentra sur le coffre fort. C’était le plus gros coup qu’ils avaient jamais entrepris et il ne fallait pas que ça foire. Ses mains tremblaient sur les pinces et la sueur coulait sur son front. Il entendit soudain Andy crier et trois coups de feu déchirèrent le silence. Il laissa ses outils tomber dans un grand fracas et se précipita à la porte d’entrée. Tom était immobile, les bras pendants le long du corps, et l’arme à la main. Il le regarda d’un air ahuri. - Merde... qu’est ce que t’as foutu ? Ils sont morts ? - Je.. Je ne sais pas. Ils étaient armés... J’ai tiré le premier. Un homme et une femme étaient étendus sur le carrelage blanc et du sang commençait à souiller le sol. Matt s’approcha des corps et les examina rapidement. - Elle est morte. Enfin je crois. Merde.... Le mec vit encore. On l’emmène avec nous. Il nous servira d’otage si ça tourne mal. - T’es malade ! Il va clamser de toutes façons. On le laisse là. - C’est moi qui décide, Ok ?. On l’embarque. Andy jeta un dernier coup d’oeil à la jeune femme allongée sur le sol et monta dans la camionnette. - Tu t’en occupes, Andy. Vérifie s’il respire encore. La jeune fille posa deux doigts tremblants sur la carotide de l’homme toujours inconscient. Elle palpa un imperceptible battement et sentit la respiration faible mais présente du blessé. Elle déchira un morceau de tissu qui traînait dans la camionnette et l’appliqua sur la blessure qui saignait le plus. Il se mit à gémir faiblement puis ouvrit des yeux effrayés. - Il se réveille. - Où est Scully ? Matt se pencha sur lui. - Comment va t’elle ? - Ta gueule. - Scully ? - J’ai dit ta gueule. Matt fouilla le blouson de l’inconnu et en sortit son portefeuille. - Putain... On est dans la merde.... - Quoi ? - C’est un Féd... Merde c’est un Féd. Tom, t’as buté un Féd. Merde !!! - Il faut qu’on s’en débarrasse... - T’es dingue ? Il a vu nos gueules. - On l’achève ! - Non... Ils vont être à nos trousses. On s’en servira comme bouclier. Mulder essayait de suivre la conversation malgré la douleur qui obscurcissait son esprit. Il avait l’impression de perdre beaucoup de sang et sa tête tournait. Ses ravisseurs semblaient très jeunes, la jeune fille ne semblait pas avoir plus de 18 ans. Elle le regardait d’un air paniqué. - On va à la planque. On avisera là bas. L’homme qui avait découvert son identité lui assena un violent coup de poing qui lui fit perdre connaissance. Froid.... Il avait très froid. Une odeur d’urine et de moisi assaillait ses narines et lui fit monter un haut de coeur. Son épaule était engourdie et sa cuisse droite lui faisait terriblement mal. Il essaya de bouger mais ses mains étaient liées. Il ouvrit les yeux péniblement et scruta la noirceur qui l’entourait. Des raies de lumière passaient ça et là à travers les lattes de bois qui recouvraient les vitres. Il sentit une présence près de lui. - Ne bouge pas... J’ai réussi à arrêter l’hémorragie, mais il faut pas que tu bouges. La voix de la jeune fille était apeurée et douce à la fois. Elle posa un linge humide sur ses lèvres. - T’as la lèvre éclatée. Matt t’a frappé dans la voiture. Tu te rappelles ? - Où est Scully ? - C’est la femme qui était avec toi ? - Oui. - Je crois qu’elle est morte. - Non... Il faut que tu appelles les secours. Pour les prévenir. Qu’ils aillent la chercher... Je t’en prie... - Je ne peux pas faire ça. Matt va me tuer. - Si elle meure... Vous ne serez jamais en paix... Ils vous retrouveront... C’est un agent fédéral, tout comme moi. Comment t’appelles tu ? - Andy. - Andy, je t’en prie. C’est ta vie que tu sauves. - Tais toi. Mulder essaya de capter son regard. Elle était complètement paniquée. Il ferma les yeux, épuisé. - Détache moi. J’ai très mal. - Non... Matt m’a dit de te laisser attaché. - Je ne peux pas marcher... Tu ne crains rien. Il était allongé sur le côté et ses mains étaient passées par dessus sa tête et liées à un épais radiateur en fonte. - Je t’en prie, Andy. La jeune fille s’approcha de lui et lui détacha une main avec appréhension. Il réussit à s’asseoir malgré les élancements qui lui provoquèrent ce simple mouvement. - Je dois remonter. Je viendrais te voir tout à l’heure. - Non, reste là ! La voix de Mulder se fit implorante, mais la jeune fille referma la porte derrière elle, le laissant seul dans le froid et la pénombre. Lorsque elle revint, il semblait à Mulder que la nuit était tombée. Sa lèvre avait doublée de volume et sa gorge le brûlait. Le sang pulsait à ses oreilles et il avait vomi plusieurs fois. Il se sentait sale et affreusement faible. Andy lui apportait un verre d’eau et une assiette fumante. - Je n’ai pas faim. - Matt a dit que tu devais manger. - Qui est Matt ? Ton petit ami ? - Oui. - Et l’autre ? - Mon frère. - Tu as l’air d’une gentille fille, Andy. Tu ne mérites pas d’être entraînée dans cette galère. Tu as des nouvelles de Scully ? - Non. Ils n’en ont pas parlé aux infos. Mulder soupira. - C’est ton amie ? - Oui. C’est ma partenaire. Et c’est mon amie. - Je suis désolée. - Ce n’est pas toi qui a tiré. Andy... Il faut que tu m’aides. - Non... Je ne peux pas. - Je crois que j’ai de la fièvre. Mes blessures doivent être infectées. Il faut me trouver des antibiotiques et des pansements propres. Tu crois que tu peux faire ça pour moi ? - Ca oui. Mais mange un peu et bois, s’il te plait. Sinon... - Sinon quoi ? - Matt va me battre. - Il te frappe souvent ? - Oui... Quand il a bu... Il est très énervé à cause de toi. - Je vais faire ce qu’il faut pour qu’il ne s’énerve pas plus. Mais trouve moi des médicaments. - D’accord. Je vais voir ce que je peux faire. Elle lui sourit tristement et passa dans l’escalier. Mulder prit le verre d’eau et s’appliqua à le vider, malgré la nausée qui montait. Il était conscient de la dégradation de son état physique et il savait que sa survie ne tenait pas à grand chose. Il se força à manger quelques bouchées du repas que lui avait préparé Andy. Soudain la porte du sous sol s’ouvrit brutalement et Mulder vit Matt qui le regardait d’un air hagard. Il était visiblement soul. Lorsqu’il s’approcha de lui, il put sentir son haleine chargé d’alcool et vit ses yeux injectés. Il lui rattacha la main que Andy avait libéré, puis le coup de poing partit avant même qu’il ait pu l’éviter. Sa tête heurta violemment le mur. - Qu’est ce que t’as raconté à Andy ? Tu crois qu’on va te soigner comme à l ’hôpital ici ? Il le frappa à nouveau, violemment et longtemps et Mulder sentit qu’il allait perdre connaissance. Il se battit pour garder les yeux ouverts. - Pourquoi vous me gardez ici ? Sa voix était faible mais il lui répondit. - T’es notre otage, ok ? On te butera si ils viennent nous débusquer ici. - Comment veux tu qu’ils vous trouvent ? Matt lui envoya un violent coup de pied dans les côtes. Il gémit de douleur. - Tu me vouvoie, ok ? Je ne suis pas ton pote. - D’accord... Une avalanche de coups s’abattit sur lui à nouveau. Il essaya de protéger son visage avec ses avants bras, maigre protection contre les coups de pied qui pleuvait sur lui. Matt fit soudain demi tour et sortit de la pièce en claquant la porte. Andy s’approcha de lui, et Mulder put lire l’inquiétude dans ses yeux. - Pardon... Je ne voulais pas qu’il te frappe. - Je sais ... Il avait du mal à parler tant la douleur était forte. Il passa sa langue sur ses lèvres fendues et le goût du sang emplit sa bouche. - Je suis sûre que Tom va lui faire entendre raison. Tom est plus raisonnable. Je vais aller lui parler. On va te ramener des médicaments. Elle lui caressa les cheveux timidement et l’aida à se redresser. Sous la brutalité des coups, sa blessure à l’épaule s’était ouverte et saignait abondamment. Elle pressa un chiffon sale pour stopper le sang puis lui entoura l’épaule avec maladresse mais douceur. - Pardon... Elle pleurait maintenant à chaudes larmes. - C’est rien, Andy. Ca va aller. Merci pour ton pansement. - Il te plait ? - Oui. - C’est le premier que je fais. - C’est très bien. Tu es douée. - Matt dit que je suis nulle. - C’est faux, Andy. Tu es gentille et très jolie. - Toi aussi tu es beau. Même avec ta lèvre fendue. Elle lui sourit et son visage se transforma soudain. La crainte quitta son regard et ses traits. - Je vais te chercher des médicaments. Je vais revenir très vite. Elle sortit en lui offrant un nouveau sourire et Mulder s’allongea sur le sol froid, essayant de trouver le sommeil malgré la douleur lancinante et la fièvre. Il avait l’impression que son visage avait doublé de volume. Les heures se confondaient. Il perdait la notion du temps et de son propre corps. Les cauchemars se succédaient, il voyait l’enterrement de Scully, Samantha... Toutes les images se bousculaient dans son esprit confus. Andy, les bras chargés d’un sac de papier brun, descendit doucement les escaliers qui grinçaient. Elle s’approcha du prisonnier et le contempla un instant, braquant la lumière de l’ampoule nue sur son visage. Il dormait, sa respiration était rapide et irrégulière et son front était couvert de sueur. Malgré les odeurs de sueur, de vomi et d’urine qui se dégageait de lui, elle avait envie de se blottir contre lui. Il paraissait si gentil, si doux. Rien à voir avec Matt ou tous les hommes qu’elle avait connu. Lorsqu’il la regardait, elle se sentait différente, un être à part, quelqu’un d’ intéressant. Elle caressait sa joue à peine moins douce que sa propre peau, effleura ses lèvres gonflées et son visage tuméfié. Elle secoua la tête et repensa au but de sa visite. Il était brûlant de fièvre. Il fallait qu’il prenne les médicaments. Tom avait fini par accéder à sa requête et lui avait ramené ce qu’il fallait pour le soigner. Elle sortit des compresses propres et de l’alcool et commença à nettoyer les plaies souillées. Il gémissait dans son sommeil. Elle s’y prenait mal et devait lui faire mal. Elle ne voulait pas qu’il meure. Elle l’installa contre elle, sa tête sur ses genoux et essaya de lui glisser quelques cuillères de la solution antibiotique dans la bouche. Le liquide coulait sur son menton mais elle réussit néanmoins lui faire ingérer un peu du remède. Elle resta dans cette position pendant quelques minutes, priant pour que Matt ne descende pas dans la cave. Il finit par ouvrir les yeux et la regarda avec espoir, ses yeux brillants de fièvre. - Tu es là... - Oui. Je t’ai apporté des médicaments et j’ai refait tes pansements. - Merci... Sa voix était faible et ses paupières se fermaient toutes seules. - Préviens le FBI. Il faut que tu m’aides, Andy. Je témoignerais en ta faveur. Je t’en prie. - Non... Je ne peux pas faire ça... Matt et Tom... - Ils font ton malheur, Andy. Tu ne mérites pas ça. - Tais toi. Elle se dégagea brutalement, ramassa le sac de médicaments et sortit du sous sol. Il se recroquevilla sur le sol glacé. Il allait mourir dans ce trou. Scully était sans doute morte elle aussi. Il ne voulait plus lutter. Il se laissa glisser dans une inconscience hostile. Andy remonta en pleurant. Elle savait qu’il avait raison. Elle savait que Matt ne l’aimait pas vraiment. Tom pourrait s’en tirer peut être. Il avait été cherché les médicaments pour le soigner. Elle le dirait au tribunal. Les pensées se bousculaient dans sa tête. Soudain Matt se dressa devant elle et la frappa violemment. Le sac tomba à terre, répandant son contenu sur le sol. - Tu lui a filé des médicaments, salope ! Tom m’a tout raconté ! Ce con a braqué une pharmacie ! Il hurlait tout en continuant à la frapper. - Arrête, Matt ! Arrête ! Tom tentait de s’interposer pour protéger sa soeur qui était tombée par terre en sanglotant. - On se casse d’ici. Les flics vont nous trouver. Je vais descendre buter ce connard. - NON ! Tom se dressait devant Matt qui avait ramassé le pistolet qui traînait sur la table. - Laisse le ici. Personne ne le trouvera. Mais ne le tue pas. Ca aggraverait ton cas. - Putain MERDE ! Faites chier tous les deux. Rassemblez vos affaires et montez dans la camionnette. Il se pencha pour redresser brutalement Andy qui essuyait le saignement qui coulait de son nez meurtri. Il la poussa dehors et l’entraîna dans la camionnette. Il fit brutalement demi tour, furieux et Andy le vit avec inquiétude se diriger vers la maison et descendre l’escalier qui menait au soupirail. La crainte l’empêcha de le suivre et elle se résigna à rester dans le véhicule. Des cris lui parvinrent, à peine étouffés par les vitres cassées. Lorsque Matt se mit au volant, quelques minutes plus tard, elle baissa les yeux et tenta de retenir ses larmes. Il était rouge et essoufflé, et ses vêtements portaient ça et là des taches de sang. Elle savait que ce sang n’était pas le sien. - Allez on se casse. Dans sa demi inconscience, Mulder avait entendu l’altercation entre ses ravisseurs. Il pria un Dieu auquel il ne croyait pas que le FBI retrouve sa trace avant qu’il ne meure ici, seul, dans ce trou glacial. Le pas lourd de Matt lui glaça le coeur. ********* Les heures passèrent, froides et silencieuses. Il ne sentait plus son corps brûlant et transi à la fois. Des bruits lui parvenaient, sourds et lointains, des bruits de vie, un chien qui aboyait, les cris des enfants. Il appelait d’une voix faible, mais ses forces l’abandonnaient à mesure que les heures passaient. La pénombre s’installa plus encore et Mulder savait que la nuit serait interminable. Il perdit connaissance plusieurs fois, et la douleur était telle lorsqu’il se réveillait qu’il espérait presque ne plus reprendre connaissance. Les rayons du soleil filtrèrent à travers les carreaux sales du soupirail, effleurant ses paupières. Il pouvait à peine ouvrir les yeux tant ils étaient gonflés. Il essaya de remuer ses mains pour tenter de se dégager, mais ses efforts furent vains. Sa gorge était desséchée par la fièvre et il avait du mal à avaler sa salive. Il perdit connaissance. Deux jours plus tard. Repère des ravisseurs. Le bruit d’une porte qu’on enfonce. Puis des paroles familières. Son nom qu’ on prononçait. Il essaya de prévenir de sa présence d’une voix faible, mais aucun son ne sortait de sa bouche sèche. Faite qu’ils me trouvent.... Skinner descendit le premier dans l’escalier qui menait à la cave. Il ouvrit la porte prudemment, l’arme à la main et la rangea instantanément lorsqu’il vit le corps à terre. Il s’agenouilla près de lui doucement, n’osant pas le toucher. Il reconnaissait à peine son agent. Le visage congestionné, sanglant, Mulder gémissait doucement et essayait avec ses avants bras de protéger ses yeux de la lumière vive qui l’aveuglait. Skinner se tourna vers les hommes qui étaient descendus avec lui. - Appelez une ambulance, vite. Les hommes s’exécutèrent rapidement, laissant le directeur adjoint avec Mulder. - Ca va aller, Fox. C’est fini. Mulder vit l’horreur se refléter dans les yeux de son supérieur. Skinner découvrait à la lumière de la lampe torche le visage tuméfié qui portait des traces de coup et de larmes. Ses cheveux étaient sales et emmêlés, de ses blessures suintait un pus jaunâtre et malodorant et son corps dégageait une odeur âcre. Skinner coupa ses liens avec précaution, dégageant les poignets marqués à vif par la corde et recouvrit Mulder de son manteau. Il gémissait doucement, et Skinner dut s’approcher de lui pour comprendre le seul mot qu’il avait la force de prononcer. - Scully ?..... - Elle va bien. Elle est tirée d’affaire. Le corps de Mulder tremblait maintenant et il ferma les yeux. Il prit conscience qu’on le transportait sur un brancard. La lumière vive du jour lui écorcha les yeux. Il sentit qu’on enfonçait une aiguille dans le bras puis perdit connaissance. *************** Skinner entra dans la chambre où Scully reposait. Il lui sourit et la jeune femme sut que Mulder avait été localisé. - Nous avons retrouvé Mulder, agent Scully. - Comment va t’il ? Skinner baissa les yeux, encore sous le choc. - Il est déshydraté, septique et très affaibli, mais il va s’en sortir. Il est actuellement au bloc. Les chirurgiens opèrent son épaule et sa cuisse, pour retirer les balles. Il omit volontairement de signaler l’état physique de son partenaire pour ne pas perturber davantage la convalescente. Il serait temps de lui dire lorsque elle serait en état de le voir. Trois jours plus tard. Hôpital de Georgetown. Mulder ouvrit les yeux et se frotta les paupières avec précaution. Les points de suture étaient encore douloureux et il prit garde de ne pas toucher aux pansements qui recouvraient ça et là son visage. La pendule dans la chambre marquait six heures. Il tendit la main en grimaçant vers la table de chevet grise de l’hôpital. Son épaule le faisait souffrir et il essaya d’attraper la poire de la sonnette d’alarme, sans succès. Il jura intérieurement et reposa sa tête sur l’oreiller. Il allait devoir attendre une demi heure que les infirmières viennent pour la première visite du matin. Il regarda avancer avec lassitude les aiguilles de la pendule, essayant de faire le vide dans son esprit. Le cauchemar de ces derniers jours lui revenait en mémoire dès qu’il fermait les yeux. Le FBI avait retrouvé la trace de ses ravisseurs en recoupant différentes informations. Scully avait été découverte seulement quelques instants après leur départ et elle était finalement moins gravement blessée que ce qu’il avait craint. Elle avait pu donner le signalement des agresseurs et de leur véhicule. Tom avait eu la bêtise de braquer une pharmacie pour trouver les médicaments dont il avait besoin. Lorsqu’ils avaient quitté la maison, ils avaient roulé deux jours puis s’étaient fait arrêtés par un banal contrôle policier. Matt avait perdu le contrôle du véhicule en essayant de passer le barrage et leur véhicule avait fini sa course dans un ravin. Matt avait été tué dans l’accident, Andy et Tom étaient pratiquement indemnes. Il avait réussi à persuader Scully de témoigner que c’était Matt qui avait tiré sur eux, pour décharger un peu le frère d’Andy. Ca ne changeait pas grand chose. Il avait tiré sur eux par peur plutôt que par réelle intention. Andy avait révélé son lieu de détention tout de suite après son arrestation, permettant son secours rapide. Il avait plusieurs fractures de côtes, le nez cassé, une fracture de la pommette et les médecins avaient dû lui donner des doses massives d’antibiotiques pour stopper une septicémie débutante. Il se sentait épuisé et démoralisé. Son seul réconfort avait été de voir Scully hier, poussée par Skinner dans un fauteuil roulant, faible mais souriante. Elle avait reçu la balle dans l’abdomen mais par bonheur aucun organe vital n’avait été touché. Elle retint ses larmes lorsque elle vit l’état de son équipier. Skinner les laissa seul quelques instants. Scully avait du mal à fixer le visage de son ami. Il était à peine reconnaissable tant il était gonflé. Elle lui sourit faiblement. - Tu peux dire que tu nous as fait une sacrée frousse. - Je m’en serais bien passé, Scully. Comment vas tu ? - Mieux que toi, j’ai l’impression. - Oui... Ma capacité de séduction va être réduite un certain temps, je crois. Scully lui prit la main tendrement et Mulder répondit à sa pression mais malgré le sourire, Scully voyait dans le regard de Mulder l’effroi des derniers jours. Elle se rendit compte qu’il avait du vivre un véritable cauchemar. Mais il était encore sans doute trop tôt pour en parler. 7 jours plus tard. Appartement de Mulder. Mulder ouvrit les yeux, désorienté. C’était sa première nuit hors de l’ hôpital. Son sommeil avait été entrecoupé de cauchemars, comme toutes les nuits depuis sa libération. Le fait de se retrouver seul dans son appartement avait accentué ses terreurs nocturnes. Il se leva en grimaçant, le corps encore douloureux. Il se sentait épuisé. Il se dirigea lentement vers la salle de bains et se fit couler une douche brûlante. La vapeur qui se condensait sur le miroir n’occultait pas totalement la vision qu’il pouvait avoir de son visage. La pâleur de son teint contrastait de façon saisissante avec les séquelles de la brutalité de son ravisseur. Autour de ses yeux, sur ses pommettes, des teintes qui allaient du rouge violacé au brun vert se dessinaient, telles une constante évocation de son cauchemar. Il se passa avec lassitude la main sur le visage. Une peur irrationnelle, absurde, le poursuivait. Il n’ arrivait pas à oublier. La sonnerie du téléphone le fit sursauter. D’un pas lent, il sortit de la salle de bains et décrocha le combiné. - Mulder ? C’est moi. - Scully ? Bonjour. - Je ne te réveille pas ? - Non... J’allais prendre une douche. Où es tu ? - A l’hôpital. Je sors tout à l’heure. Comment vas-tu ? - Ca va. Je suis fatigué. - Bon... Je te rappelle en arrivant chez moi. - D’accord, Scully. Il raccrocha rapidement. Il se sentait mal à l’aise, même vis à vis d’elle. Il ne lui avait pas parlé de son expérience traumatisante. Il n’arrivait pas à en parler d’ailleurs, à quiconque. La psychologue du FBI était venue le voir à l’hôpital, mais il avait refusé son aide, malgré l’insistance de Skinner. C’était trop dur... Les mots restaient bloqués dans sa gorge. Deux jours plus tard. Bureau de Mulder, FBI. Il était venu tôt pour éviter la foule dans les couloirs du bureau, pour éviter les questions. Incapable de conduire à cause de sa jambe encore douloureuse, il avait pris un taxi. Le chauffeur l’avait regardé avec insistance, ce qui avait déclenché un certain malaise chez lui. Il frôlait les murs, fuyant les regards appuyés. Le bureau lui était apparu comme un havre de paix. Il avait fermé la porte derrière lui. Il ne supportait plus d ’être chez lui, à tourner en rond, à sursauter à chaque bruit insolite. Son congé ne finissait pas avant plusieurs jours, mais il avait pris la décision de revenir au bureau. Peu importe finalement que les gens le regardent comme une bête curieuse. Il commença à feuilleter ses dossiers, cherchant inconsciemment un moyen de s’occuper l’esprit. La porte du bureau s’ouvrit soudain sur Skinner, le faisant sursauter. - Agent Mulder ? - Bonjour, Monsieur. - Je peux savoir ce que vous faites là, Agent Mulder ? - Je vais bien. Je reprend le travail. - Votre arrêt maladie n’est pas terminé, Mulder. Je doute que vous soyez en état de travailler. - Je me sens parfaitement bien, Monsieur. - Ca, j’en doute fort. Il lui tendit son manteau et le regarda avec insistance. - Rentrez chez vous, Agent Mulder. C’est un ordre. - Monsieur, je... - Je vous raccompagne. Mulder se leva, résigné et furieux, prit le vêtement que Skinner lui tendait et le suivit jusqu’au parking. - Vous avez vu l’agent Scully ces derniers jours ? - Non, monsieur. - Êtes vous sûr d’aller bien, Agent Mulder ? - Oui... Je suis fatigué, c’est tout. - Alors reposez vous et tachez d’oublier ce qui vous est arrivé. Mais je persiste à croire que vous devriez essayer d’en parler à quelqu’un. Le reste du trajet s’effectua dans un silence pesant. Skinner avait encore devant les yeux l’image de Mulder prostré sur le sol, maculé de sang, baignant dans la sueur et l’urine. Il revoyait ses yeux tourmentés et ressentait sa peur. Il le déposa devant son immeuble et retourna rapidement au bureau. Il appela Scully. Quelques heures plus tard. Appartement de Mulder. Scully frappa doucement à la porte. Elle savait que Mulder ne tenait pas vraiment à la rencontrer et qu’il la fuyait depuis quelques jours, mais les paroles de Skinner l’avaient forcé à venir. Mulder ouvrit après une seconde d’hésitation. - Je peux entrer ? Il fit un pas sur le côté et elle pénétra dans son appartement. Mulder évitait son regard, et elle nota la nervosité de son partenaire, qui passait rapidement sa main sur son visage encore marqué. Elle s’assit dans le canapé, le forçant à faire de même. Elle était de toute façon incapable de rester debout très longtemps. - Mulder ? Tu m’évites depuis des jours. Je sais que ça ne va pas. Je te connais, Bon Dieu. Je t’en prie, parle moi. Mulder lui répondit d’une voix presque suppliante. - Je ne peux pas, Scully... Elle se rapprocha de lui et posa la main sur son genou tremblant. - Tu souffres d’un syndrome post-traumatique, Mulder. C’est tout à fait naturel après ce que tu as subi. Mais tu dois essayer d’évacuer les horreurs que tu as enduré. Il baissa les yeux, troublé par son discours. Il savait qu’elle disait vrai, mais il était incapable de parler de ça. Il s’enferma dans son silence. Elle posa sa main sur sa nuque et il se retira soudain, incapable de supporter un quelconque contact physique. Elle le regarda tristement. - Il faut que tu vois la psychologue du bureau, Mulder. Je vais demander à ce qu’elle passe te voir. Tu veux bien ? Il ne répondit pas, et elle le sentit au bord des larmes. Elle se leva et sortit de son appartement. ******** Frohike se gara juste devant l’immeuble de Mulder, encore intrigué par l’ appel qui avait reçu une heure plus tôt. Il avait à peine reconnu la voix de son ami, pressante, presque douloureuse. Il ne l’avait pas vu depuis plusieurs semaines, mais leur amitié était faite ainsi, de rencontres aléatoires et toujours intrigantes. Il frappa à la porte de son appartement. Son ami lui ouvrit et l’invita à entrer, en le remerciant d’être venu si vite. La pièce était plongée dans la pénombre et Frohike distinguait à peine le visage de Mulder, mais il ressentait chez lui un mal être inhabituel. Certes Mulder n’était pas un boute en train, mais son sens de l’humour compensait son côté neurasthénique. Aujourd’hui, pas de blague ou de sourire, mais une attitude triste et presque distante. - Je n’en pas pour très longtemps. Donne moi quelques minutes pour mettre quelques affaires dans un sac. - Pas de problème, Mulder. Mais où veux tu que je t’emmène exactement ? Il ne répondit pas mais lui glissa sous le nez un papier griffonné. Il haussa les sourcils, intrigué, mais ne posa pas de questions. C’est lorsque Mulder sortit dans le couloir, fermant la porte derrière lui, que Frohike remarqua non seulement sa démarche, encore un peu crispée, mais les traces de violence sur son visage. Il attendit que Mulder se soit installé sur le siège avant pour le questionner. Mulder répondit d’une voix presque évasive, mais Frohike sentit que son ami ne lui disait pas la vérité. Une agression ? La réponse lui parut bien peu convaincante. Il respecta son silence et ils roulèrent dans la nuit pendant des heures. Ils s’arrêtèrent dans un motel pour la nuit. 24 heures plus tard. Appartement de Scully. La jeune femme se retourna dans son lit, incapable de trouver le sommeil. Elle était inquiète pour son partenaire. Elle avait essayé de le joindre toute la journée, sans succès. Son portable était hors service et sa ligne téléphonique le renvoyait sur son répondeur. Elle avait laissé plusieurs messages, appelé le bureau à plusieurs reprises. Il restait introuvable. Elle regarda l’heure, épuisée. Il était plus de 2 heures du matin. Elle soupira et ferma les yeux, essayant de se calmer. Elle s’endormait enfin lorsqu’on sonna à la porte. Surprise, elle se leva et enfila sa robe de chambre, puis prudemment s’avança vers la porte d’entrée. Elle ouvrit immédiatement après avoir reconnu Mulder. - Scully... Excuse moi, je sais qu’il est tard... - Entre, Mulder. Elle alluma une petite lampe qui diffusa une lumière tamisée. Mulder semblait épuisé, mais nettement plus serein. Ses yeux étaient rougis, ses paupières étaient cernées de gris, il était très pâle et paraissait avoir pleuré, mais dans son attitude, elle sentit que le moment était venu. Elle l’invita à s’asseoir près d’elle et l’encouragea du regard. - Je t’ai cherché toute la journée... - Je sais... J’ai eu tes messages. Je suis allé à la prison où sont incarcérés Andy et Tom... J’avais besoin de les revoir, de parler avec cette jeune femme et avec son frère. - Tu avais besoin d’exorciser tes peurs... Tu as bien fait. - Depuis qu’on m’a sorti de là, je ... je n’arrive pas à oublier ce qui s’ est passé... Je... Sa respiration se faisait plus rapide et les mots franchissaient difficilement la barrière de sa gorge. Il déglutissait péniblement et Scully vit quelques larmes monter dans ses yeux. Elle l’interrogea d’une voix très douce. - Qu’est ce qui s’est passé, Mulder ? - Matt m’a frappé, à plusieurs reprises. Il se servait de tout ce qui lui tombait sous la main... Des barres de fer, n’importe quoi. J’étais à terre et je ne pouvais pas bouger. J’avais... j’avais les mains attachées. Les liens me coupaient les poignets et je n’arrivais pas à me protéger... Je... J’ai fait sur moi, Scully, j’étais mort de peur... Ils m’ont laissé comme ça pendant des heures... Sans lumière, dans le froid. La petite me descendait à boire et à manger de temps en temps... Mais son frère l’a battait... Lorsqu’ils ont décidé de partir, Matt est revenu et... ça a été pire que tout. Il m’a laissé presque mort dans ce trou puant et glacé... J’ai eu si peur de mourir, Scully... Je croyais que tu étais morte toi aussi... C’était horrible... Il pleurait maintenant à chaudes larmes, effondré par les souvenirs de ces jours de terreur. Elle posa son bras sur son épaule et caressant le bas de sa nuque tendrement. Il frissonnait. - J’ai cru que personne ne viendrait à mon secours... Je ne savais plus depuis combien de temps j’étais là... J’avais mal et j’avais froid. Je ne pouvais pas bouger... Les sanglots de Mulder déchirèrent la jeune femme qui l’entoura de ses bras. Il enfouit son visage contre sa poitrine et les larmes lui montèrent aux yeux. Elle était bouleversée qu’il se laisse aller ainsi et lui murmura des mots d’apaisement. - J’ai promis à Andy de témoigner en sa faveur au tribunal. Elle n’est pour rien là dedans, c’est une victime. Les paroles de Mulder se tarirent bientôt et ils restèrent ainsi, silencieux, perdus dans leurs pensées puis s’installèrent plus confortablement, blottis l’un contre l’autre, pour s’endormirent enfin. ******** Le petit matin arriva, blême. Les yeux rougis par le manque de repos, Scully s’éveilla doucement, évitant de sortir Mulder de son sommeil. Il était encore tout contre elle et elle pouvait sentir sa respiration et la chaleur de son corps. Elle se leva avec précaution et l’observa quelques minutes. Les traits marqués par l’émotion de la nuit, il dormait profondément, les lèvres délicatement entrouvertes, encore légèrement meurtries. Elle effleura ses cheveux, la courbure de son visage et posa sa main sur sa poitrine qui se soulevait au rythme lent de sa respiration. Elle se remémora ces instants où il était dans ses bras, abandonné, vulnérable, presque offert. Elle aurait tant voulu que cet instant se présente dans des circonstances moins dramatiques. Il avait besoin d’elle, manifestement, mais l’aimait-il ? L’aimait-il autant qu’elle l’aimait ? Des larmes se formèrent dans ses yeux, qu’elle essuya prestement. Il était là, chez elle, près d’elle. Elle ne devait pas espérer plus. Elle devait se contenter de cette amitié si exceptionnelle, si forte, plus forte finalement que toutes les aventures amoureuses qu’elle avait jamais eu. Accepter cette différence. Lorsque Mulder ouvrit les yeux, elle lui sourit et elle lut dans son regard que rien ni personne ne pourrait les séparer.