TITRE : Attends-moi AUTEUR : Laure E-MAIL : merle1@club-internet.fr RESUME : Vivez le lent déclin de Scully du point de vue de Mulder... DISCLAIMER : Bon ben, comme d'hab', tous les noms (de la série, des personnages, etc...) sont la propriété exclusive de Chris Carter et de la FOX. Cette fanfic n'a pas été écrite dans un but commercial. Elle m¹avait appelé très tôt ce matin-là. J¹aurais reconnu sa voix entre mille, et pour cause, c¹était la seule femme dont je connaissais les intonations par c¦ur. Cette voix si chaleureuse qui m¹avait bercé tout au long de ces longues années à ses côtés, cette voix dont je ne cessais de me gorger et qui ne faisait que revitaliser toute mon énergie à chaque fois qu¹elle pénétrait mon intérieur. Je l¹entendais d¹abord s¹engouffrer dans mes tympans, puis elle envahissait tout mon corps jusqu¹à la pointe des mes doigts. C¹était une sensation unique qui me faisait frissonner de plaisir à chaque fois qu¹elle me la procurait. Trois jours et trois nuits que je ne dormais plus. Trois jours et trois nuits que sa souffrance était la mienne. La sonnerie de mon portable m¹avait glacé des pieds à la tête, mais entendre sa voix, c¹était une récompense (non méritée) que m¹envoyait le ciel. Dana était l¹être le plus cher que j¹avais au monde depuis que j¹avais perdu tous mes proches. Mais tous les jours que Dieu faisait, et je lui en voulais de nous avoir infligé tant de torts, je me réveillais en fureur contre moi-même, parce que je n¹avais pas su protéger celle qui comptait le plus pour moi. Trois jours et trois nuits que Scully se mourait à l¹hôpital et je restais impuissant face à ce néant qui l¹engouffrait peu à peu, et de surcroît sans moi. Mon c¦ur se déchirait et malgré mes larmes que je forçais à rester inexistantes, tout en moi était bouleversé et je savais d¹ores et déjà que je ne m¹en remettrais jamais. Elle avait été très brève. J¹imagine de toute façon qu¹avec le mal qui l¹avait atteint, et dans l¹état dans lequel elle se trouvait, elle avait fait de son mieux pour articuler les quelques mots qu¹elle avait prononcés. Ils résonnaient dans mon esprit comme une sentence, comme s¹ils étaient de mauvaise augure. «Mulder, viens me voir». Elle n¹avait rien dit de plus, et ça ne présageait évidemment rien de bon. Je fus subitement en proie à mes tourments. Je savais pertinemment qu¹il y avait mille raisons pour qu¹une jeune femme vous réveille à quatre heures du matin en vous demandant de venir la voir à l¹hôpital, mais venant de Scully, je n¹envisageais qu¹une solution : ça n¹allait pas du tout. Mais il fallait qu¹elle garde espoir, c¹était la seule chose qui la ferait vivre un peu plus longtemps. Je ne comprenais peut-être pas tout, et je me rendis compte que mon comportement était des plus égoïstes : comment est-ce que j¹osais lui demandais de vivre, alors que sa présence ici-bas n¹était faite que de souffrances injustes. Son cancer la rongeait lentement et cruellement, comme si son but était de faire prolonger les atroces douleurs qui envahissaient jour et nuit ma partenaire. Plus qu¹une partenaire d¹ailleurs, elle était même mon soutien et ma seule raison de vivre. Ca paraissait présomptueux, mais qui d¹autre, mieux qu¹elle, avait su me comprendre ? C¹était la seule qui avait accepté qu¹on lui colle l¹étiquette «martienne» lorsqu¹elle était venue travailler avec moi, c¹était la seule qui avait subi sans rien dire les humiliations, les hontes, les renvois, la mort de ses prochesŠ et j¹osais me lamenter sur mon propre sort ? J¹imagine que le mot «égocentrique» était inscrit quelque part dans mes gènes, mais je reconnaissais à présent que j¹étais un être doué de nombrilisme, et que seules mes petites souffrances m¹importaient. Mais qu¹avait été ma vie par rapport à celle de Scully ? Ok, j¹avais perdu ma s¦ur, mais j¹étais jeune et j¹avais su petit à petit en faire mon deuil, même si ça avait pris du temps et de la considération. Bien sûr, j¹avais décidé de travailler aux affaires non classées, mais c¹était un choix et je n¹avais jamais redouté les moqueries. Mais Scully, elle, qui avait toujours eu une vie parfaite et qui aurait du devenir médecin, avait atterri dans mon service, et subi tout ce qu¹il y avait de pire pour une femme. Je n¹avais vraiment pas envie de ressasser tous ces malheurs, fruit de mon égocentrisme aigu et mal avisé, et j¹avais décidé quelques minutes après avoir reçu le coup de fil, d¹aller directement à l¹hôpital. Quelle ironie du sort de m¹être retrouvé face à la porte de la chambre 42. J¹examinais, songeur, les deux chiffres peints en noirs sur le bois blanc. Derrière se trouvait Scully, et je ne savais pas en fin de compte, si j¹avais vraiment envie d¹entrer. Mon esprit se retrouvait coincé entre deux choix, et la mécanique insensée du dilemme s¹enclenchait lentement dans mon carma. Deux options s¹offraient alors à moi : ou je rentrais dans cette chambre et j¹affrontais pour la première fois mon destin, ou je renonçais à pénétrer l¹endroit que je redoutais tant, et je m¹enfuyais en courant comme je l¹avais toujours fait. Evidemment, si je choisissais cette dernière possibilité, je faisais faux bond à Scully et ça, je ne pouvais pas. Elle m¹attendait sûrement, impatiente, avec une idée quelconque derrière la tête. Mais c¹est là que je dénichai le paradoxe qui me posait tant problème. D¹accord, elle me voulait à ses côtés, certainement pour que je l¹accompagne vers la fin de ses jours, etŠ rien que d¹en parler devenait difficile, et imaginer mon avenir sans elle me semblait impossible. Ca y est, je recommençais mon histoire de nombrilisme : il avait fallu que je parle de «mon» avenir, alors que le sien touchait à sa fin ? Enfin, chassant toutes ces pensées noires, je revenais à mon affaire de paradoxe. N¹était-ce pas anormal de vouloir mourir aux côtés de son meurtrier ? Parce que oui, aujourd¹hui, une nouvelle lumière m¹avait éclairé, et je m¹étais rendu compte que je l¹avais tuée, de A à Z. Alors qu¹un avenir brillant s¹offrait à elle, Scully avait débarqué aux services des affaires non classées. Autant m¹avouer que si cette section n¹avait pas existé, Dana serait certainement en train de mener une fameuse carrière, et aurait déjà fondé une famille. Alors inutile de chercher plus loin une justification au fait que je me prenais pour un assassin, je la tenais : j¹avais continué à faire vivre les X-filesŠ Mais d¹un certain côté, si ma s¦ur n¹avait pas été enlevée, je ne serais pas devenu agent du FBI. Oui, mais pour ça il aurait fallu que mon père ne travaille pas au gouvernement. Alors en fait, mon destin était immanquablement tracé dès le départ. Ma découverte me paraissait réellement vicieuse, et je priais pour ne plus jamais avoir à y repenser. Je m¹étais promis d¹être fort et de ne pas verser une seule larme, ce que je respectai à la lettre. Elle avait la pâleur de ces cadavres qu¹elle avait tant eu l¹habitude de disséquer à longueur de journées. Ses yeux injectés de sang me firent retrousser ma lèvre supérieure en signe de dégoût, et ses lèvres autrefois si colorées n¹avaient plus qu¹une couleur fade et effrayante. Elle esquissa un début de sourire mes les forces lui manquèrent et je lui rendis moi-même ce geste affectueux, à contrec¦ur, car je redoutais les simagrées et je n¹avais pas la tête à ça. J¹en avais ras-le-bol des faux-semblants, maintenant peu importait ce qui pouvait arriver, ça ne pouvait pas être pire que la situation présente. Sans rien dire, je vins m¹asseoir sur un tabouret à côté de son lit, et je lui pris la main en déglutissant difficilement. Dana avait toujours voulu paraître une femme forte et même aujourd¹hui, alors qu¹elle était sur le seuil de la mort, elle voulait avoir l¹air plus assurée que moi. J¹ordonnai mentalement à mon visage de ne pas trahir ma solitude et ma désespérance, et je suppliai mes yeux de ne pas s¹embuer. Je ne saurais jamais si Scully perça mes sentiments intérieurs ce jour-là. De toute manière, même si mon physique resta neutre, Dana savait sûrement ce qui me tourmentait, elle n¹avait pas du être dupe. «Fox», m¹avait-elle dit, et j¹avais souri parce qu¹elle savait très bien que personne ne m¹avais jamais appelé par mon prénom ridicule, «ce n¹est plus qu¹une question d¹heures». Evidemment que j¹avais feint de ne pas comprendre. Qui à ma place ne l¹aurait pas fait ? Comment aurais-je pu imaginer que dans quelques heures je serais seul sur Terre. Je me remémorais le vieil adage qui disait : «un seul être vous manque et tout est dépeuplé». Aujourd¹hui ce proverbe prenait réellement tout son sens, et alors que Dana était encore avec moi, je pensais déjà à un avenir proche sans elle. Je ne savais pas s¹il fallait que je croie à un miracle. Scully avait déjà reçu ce don de Dieu, comme si la main du Père des cieux s¹était posé sur son épaule, il y a quelques années déjà et je ne savais pas si ce genre de choses pouvaient arriver deux fois dans la vie d¹un individu. J¹imagine qu¹on avait tous notre lot de petits soucis, et que «notre Père qui est aux Cieux» ne pouvait pas être partout à la fois. L¹univers était si vaste après toutŠ Je n¹avais jamais cru en une quelconque sorte de divinité dont l¹adresse était la voie lactée (il fallait d¹ailleurs à ce propos que je pense à signaler à la NASA qu¹il n¹y avait aucun facteur de l¹espace pour cet vieux barbu auquel tout le monde semblait croire), et ça pouvait paraître être le comble du ridicule pour moi, Mulder-le-martien, surtout quand on savait que Scully-la-sceptique avait eu la foi. Evidemment, elle était jeune et j¹imagine que cette partie de son âme l¹avait quittée il y a quelques années déjà. C¹est vrai que je m¹étais toujours demandé comment quelqu¹un comme elle pouvait porter une croix autour du couŠ J¹avais d¹ailleurs appris par la suite que c¹était sa mère qui la lui avait offerte pour un de ses anniversaires. J¹imagine qu¹à l¹époque elle ignorait encore tout de la présence du mal sur Terre, et que ce n¹était pas au catéchisme qu¹on la lui apprenait. «Emmène-moi, Mulder» avait-elle rajouté. Ce n¹était plus de la feinte à présent, je ne comprenais vraiment plus ce qu¹elle attendait de moi, mais je n¹eus pas longtemps à attendre puisque, tout en fermant les yeux, elle répondit à la question que je n¹avais pas posée : «Emmène-moi loin d¹ici, avec toi. Je ne veux pas mourir ici.». Gentiment, je lui souris et je lui répliquai qu¹il valait mieux qu¹elle ne se fatigue pas à dire des choses insensées. A quoi elle me répondit qu¹elle ne délirait pas et elle me supplia de nouveau de la prendre avec moi. «Où est-ce que tu veux aller, Scully ?». Question idiote, je sais, dont je m¹attendais à la réponse qui ne m¹avait guère aidé. «Peu importe», avait-elle dit. Peu importe ? Comme tu veux, Scully. Tout en me penchant vers elle, je glissai mon bras droit derrière sa nuque, tandis que je passai mon bras gauche sous ses genoux et je la portai ainsi jusqu¹à ma voiture, sans rencontrer ni médecin, ni infirmière. Aujourd¹hui encore, je ne sais pas pourquoi est-ce que c¹est là-bas précisément que je l¹avais emmenée. J¹imagine que ce lieu avait un signification (que je n¹avais pas encore trouvée) pour moi. Quoiqu¹il en soit, nous avions roulé des heures, peut-être seulement quelques minutes, de toute façon, ça aurait été deux jours ou quarante secondes, je n¹aurais pas fait la différence. J¹avais conduit, toujours plus vite, vers la côte ouest, et j¹avais pris la décision de faire durer le voyage en descendant jusque dans le sud de la Virginie, à Virginia Beach. Ce n¹est pas la ville en soi-même qui m¹avait paru être symbolique, mais le fait que je l¹avais emmenée sur la plage, mon premier réflexe. On s¹était installés sur une dune qui surplombait tout le banc de sable, ainsi que l¹étendue de la mer et du ciel. C¹était un coin parfait et personne ne nous avait dérangé cette nuit-là. Scully était blottie contre moi, et je sentais la chaleur de son corps me réconforter au plus profond de moi-même, et je priai pour que ce moment ne se termine jamais. On m¹avait toujours répété que toutes les bonnes choses avaient une fin, et contrairement à ce que proclamait un poster d¹ovni dans mon bureau («I want to believe») je ne voulais pas y croire. Moi qui avait pris au sérieux tant de choses peu crédibles et qui m¹étais fait l¹avocat du diable durant toutes ces années, je me voyais contraint de renoncer à croire encore au paranormal, et particulièrement aux miracles. Nous n¹avions rien dit pendant longtemps. Scully se laissait aller paisiblement entre mes bras, et le léger clapotis des vagues la berçait tendrement. Personnellement, je n¹arrivais pas à trouver le repos et mon c¦ur battait à tout rompre. Qu¹est-ce que je devais faire ? Rien. C¹est ça ? Il n n¹y avait rien à faire de toute façon. J¹imagine que lui dire que je tenais à elle n¹aurait rien changé. Et «je t¹aime», ça marchait ? Parce que oui, Scully, je t¹aime. Voilà ce que je n¹ai pas su te dire pendant toutes ces longues années. Trois si petits mots qui t¹auraient peut-être réjouis et rendu la vie meilleure. Et voilà que maintenant où je n¹avais qu¹une envie, c¹était des les prononcer, je me rendais compte que le moment était mal choisi. Peut-être mourrait-elle heureuse ? Voyons, nonŠ elle était déjà heureuse, et puis si je le lui disais, elle serait attristée à l¹idée de tout ce qu¹elle aurait pu vivre si je le lui avais dit avant. Je porterai le poids de ces mots toute une vie, je ne voulais pas qu¹elle ait à le faire dans l¹au-delà. Soudain, elle se serra un peu plus contre moi et me regarda en souriant. «Je me sens déjà mieux». Oh non, Scully, ne dis pas ça, je t¹en prie. Ne t¹en va pas. Je sentais mon corps vibrer, et une immense douleur qui remontait de mes pieds à ma tête. Pas encore, j¹ai besoin de toi. Tu es si jeune, Scully, tu n¹as pas le droit de partir et de me laisser. Scully !!!! Je criai dans mon esprit, mais je restai muet de douleur. J¹avais senti l¹étreinte de Dana se relâcher pour la dernière fois. Je levai les yeux au ciel et je remarquai que le soleil commençait à se lever. Les nuances colorées de cet ouvrage formidable de la nature qui s¹étalaient dans le ciel me firent frissonner et je sentis mon c¦ur se serrer, comme sous la force d¹un étau insensible. Pour la première fois depuis ce matin, je sentis ces petites perles chaudes que je redoutais tant couler le long de mes joues, et le goût salé de ces larmes se déposant aux coins de mes lèvres. Je ne sais pas si ce sera demain ou dans cinquante ans, mais je te jure qu¹une jour je te rejoindrai, où que tu sois. Scully ? Attends-moi.